Réveil au gout de Miel ( Anciens textes- Le barde)

Le soleil innondait de ses rayons la chambre silencieuse.
Le feu crepitait comme toujours.. elle n'avait rien entendu. Son sommeil etait lourd depuis quelque temps. Le givre collait encore aux vitres mais le bouquet de jonquilles sur sa coiffeuse annonçait la venue du printemps.
Les yeux clos , elle tatonnait , il etait debout depuis longtemps..
Elle esquissat un sourire en rencontrant un parchemin sur l'oreiller.
Enroulee dans le drap de satin, les yeux encore voilés, elle reconnu l'ecriture parfaite de celui qui voullait d'elle pour femme. Gourmande elle prit un morceau de miel dans la bonbonnière

Ma Flamme,

Car pour un baiser de toi,
Le monde n'a plus de frontière
Et que pour t'avoir à moi
J'abattrai toutes les chimères

Ton 'oui' envoute mon âme
et la fait un peu plus tienne
Bientot tu seras ma femme
Coeur donné et corps de même

Car pour l'amour avec toi
Je ne souffres pas de limites
Je viendrai ou que tu sois
J'habiterais où tu habites

Je t'aime

Ton ensorcelleur

Reveuse, pensive, il était tard quand elle daigna quitter la chambre
Tellement de choses restaient encore à faire.

- "M.Madame ?"
- "Oui Manon ?" sourit la prêtresse, l'humeur particulièrement sereine ce matin.

Sentant la gêne dans la voix de la servante, elle suspend son geste et cesse de brosser ses longs cheveux d'argent.

- "Et bien ma fille ? Qu'y a-t-il donc ?"
- "Madame... c'est... je... "

Devant les portes ouvertes de l'immense armoire massive, la servante est en arrêt comme un chien de chasse devant une pile de lingerie fine.

Intriguée, la prêtresse se lève d'un geste souple, éclairant la pièce des doux reflets de sa nuisette de satin bleu, dernier cadeau de son fiancé. Une grimace la prend, vite effacée, quand la vilaine blessure à sa jambe, pourtant guérie en surface, lui envoie un tiraillement douloureux. Les démarrages restent difficiles, surtout de bon matin. Instinctivement elle porte les mains à son ventre, comme
si la petite vie qui croît dans son sein pouvait s'inquiéter de cette douleur maternelle. Le sourire vite retrouvé, elle s'avance, pieds nus sur les tomettes froides... et éclate de rire en constatant l'état de l'armoire !

Une longue bande de parchemin, couverte de l'écriture fine de son amant, s'enroule dans chaque pièce de sous-vêtements comme un serpent espiègle.

- "Non mais... il est infernal !" rit la maîtresse de maison en libérant une à une les dentelles prisonnières de l'étau de papier. Elle a tôt fait de les libérer avant de se plonger dans la lecture en renvoyant d'un geste la pauvre soubrette subjuguée à ses préparatifs. D'ailleurs, tant qu'à faire, elle pioche la plus laide et lui tend d'autorité.

- "Celle-ci."
- "Bien madame mais...
... elle n'est pas très jolie..."
- "Bien assez jolie pour le destin que lui promet Tsion." taquine Mystiruis, rosissante, mais rien du tout à côté de la pauvrette qui ne sait plus ou se mettre.

Hilare et radieuse, elle se rasseoit à sa coiffeuse pour se plonger dans une lecture douce à son coeur.

Tel le soleil dessine au ciel
Un parcours au trait fulgurant
Ta presence trace sur mon être
Sa marque blanche aux reflets d'argent

Je ne sais ce que l'avenir réserve
Les astres le savent mieux que nous
Ce que je sais , c'est comme la sève
L'amour croît et grandit en nous

A l'instar de cette vie nouvelle
Qui s'epanouit dans ton sein blanc
Notre union vit toujours plus belle
Fidèle et pure au soleil levant

Ton Ensorceleur

Mince... elle avait renversé son parfum ou quoi ?

Il avait lutté pour arriver jusqu'ici, par Elune ! Les gardes doublées, des hommes en armes partout, il avait fallu parcourir les lieux presque coudée par coudée jusqu'à pouvoir s'engager enfin dans le boyau tortueux qui courait entre les maçonneries du manoir. Une chance que ses pointes de flèches en gangracier aient été plus puissantes que l'acier de cette grille qui n'avait jusqu'ici jamais été verrouillée. De toutes façons désormais elle était gauchie. Mais qu'est-ce qui pouvait bien justifier autant de précautions ?

Et maintenant, à travers la fine épaisseur de placage en bois précieux de la cloison, il sentait monter ces effluves puissantes... et s'avisa qu'il n'y avait pas là que des odeurs de parfums, mais aussi celle d'un homme.

Zut...

Engoncé dans le passage étroit, le barde n'avait aucune envie de surprendre au lit la prêtresse et son galant. Pourtant ça faisait longtemps qu'il ne l'avait plus rencontrée et ils avaient bien besoin de se parler. Il allait falloir...

Stupeur !!

Le sang du barde manqua un battement quand il se trouva inondé de lumière à la porte du passage secret qui s'était soudain ouverte largement. Neige s'engouffra pour venir lui lécher abondamment le visage et une Mystiruis goguenarde avec un sourire un rien moqueur le toisait... dans sa nuisette de satin bleu par-dessus laquelle elle avait hâtivement enfilé une robe de chambre qu'elle achevait de nouer.

Grumpf...

Si elle pensait le ridiculiser, c'était sans compter sur la souplesse surnaturelle propre aux individus rompus aux longues traques immobiles. Dans un mouvement souple il déplia sa haute silhouette, la regarda et... la serra dans ses bras.

Elle lâcha un petit cri de surprise avant de s'extirper délicatement de l'étreinte.

- "Doucement, brute !" sourit-elle, heureuse de le revoir.
- "Ca faisait longtemps. Mais... bien des choses ont changées ici." répondit le barde avec un regard circulaire qui ne manqua pas les affaires masculines, le lit défait des deux côtés et... la mine radieuse de la prêtresse.
- "Il est adorable tu sais."
- "Ca m'étonnerait."
- "Je t'assure, il est attentionné et..."

Elle n'acheva pas sa phrase ; la main sur son ventre en disait assez long et retira au barde tout envie de polémiquer, vaine d'avance.

Pour la première fois le barde ne s'assit pas sur le lit. Il ne s'y sentait plus à sa place. Il lui préféra le haut fauteuil raide et, les coudes sur les genoux, observa un instant la silhouette gracieuse et épanouie de cette femme dont les yeux disaient bien assez qu'elle était heureuse, mais dont les traits tirés et la façon de bouger révélait tout à la fois lassitude et tension. Pourtant elle s'efforçait de faire bonne figure, et elle était doué pour masquer ses sentiments, mais à d'autres que celui qui la connaissait si bien.

Les mains jointes, il frotta un instant le bout de son nez sur ses mains jointes, avant de se redresser un peu, préoccupé :

- "J'imagine que tu as des choses à me dire ?"