La Lumière Aveugle
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Tsion'hebb - La Rose et le Vent

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Message  Tsion'hebb Jeu 21 Aoû 2008 - 16:51

Chapitre I - Des origines.


Depuis plusieurs heures désormais un vent chargé de sable balayait les dunes qui s'étendaient à l'horizon au-delà des ultimes rangs de la palmeraie. Le temps s'était brutalement rafraichi et chacun s'était préparé à la mesure de ses moyens à affronter cette tempête dont les flancs gonflaient au loin dans des proportions qui ne cessaient d'inquiéter le cheik Tel-Herzud. Son regard, en cet instant, embrassait l'incroyable panorama depuis la terrasse de sa maison.

Mais ça n'était pas là l'unique souci qui le préoccupait. Un peu plus loin, dans l'oued, les femmes étaient réunies, et bientôt les cris de la future mère se perdront dans les hurlements de la tempête. Pour l'heure les rayons du soleil couchant teintaient les lourds nuages qui galopaient vers eux en grondant de plus en plus fort et la priorité était à se protéger du climat ; mais son esprit ne parvenait pas à s'investir autant qu'il l'aurait voulu dans les directives qu'il délivrait trop lentement : il le sentait.

- "Elle sera sur nous dans moins d'une heure." prononça Ilakash d'une voix forte pour couvrir les premiers sifflements du vent.
- "Les chevaux sont à l'abri ? les chameaux aussi ? les chèvres ?"
- "Tout est prêt selon vos ordres, maître."
- "Le puits est couvert ?"
- "Tout a été calfeutré et verrouillé. Nous n'aurons pas de mal à le remettre en état très rapidement."
- "Les vivres sont protégés ?"
- "Tout est à l'abri dans les caves avec le vin, l'huile, le sel et des réserves d'urgence."
- "Nous allons manquer la récolte..."
- "Oui maître. La tempête va déchiqueter les plantations même si nous avons fait le maximum pour les protéger."
- "Nous n'avons plus qu'à nous protéger nous mêmes. Fais descendre les femmes et les enfants."
- "Mais... celles qui..."

De nouveau le cheik jeta un œil au front tempétueux nimbé de lumière ocre, la main sur le manche de son coutelas dont la lame avait tranché tant d'ennemis. Les nuages s'élevaient à une telle hauteur que les dunes paraissaient ridiculement petites à leurs pieds. Les prières des prêtres ne seraient pas de trop pour les aider à traverser cet enfer et déjà les démonistes avaient invoqué leurs créatures pour aider à mettre à l'abri ce qui pouvait encore rester à attacher, ranger, cacher, insensibles ou presque aux lacérations d'un vent chargé de particules de plus en plus lourdes.

- "Je me charge d'elles, tu m'accompagnes."

Ilakash referma les pans de sa djellaba avec un regard inquiet au démon bleuté dont la haute stature projetait une ombre mouvante sur la salle déjà plongée dans une atmosphère irréelle. Les orangés le disputaient dans le ciel à des rouges et des contrastes déplacés en cette heure de la journée. Une main plaquée sur son torque d'ivoire rehaussé d'or, il emboîta le pas à son maître et sautant de la terrasse directement dans la rue. D'un pas aussi rapide que possible ils progressèrent vers les sorties d'irrigation maçonnées au centre de la palmeraie, là où les femmes s'installaient toujours. Des mois qu'il était à son service, précisément depuis le jour où la troupe de cavaliers que menait le guerrier avait repoussé in extremis les Qirajis. La soif avait jeté les immondes insectes sur le petit puits autour duquel la communauté du démoniste avait élu domicile. Ils s'étaient juré fidélité et rien ni personne ne les avait séparés. Il partageait les repas et les femmes du seigneur avec un profond respect pour cet homme dont la générosité n'avait d'égale que la justice impitoyable. Il aurait donné sa vie pour lui sans réserve, et ne se doutait pas, en cet instant, combien cet engagement allait prendre une réalité bien tangible.

Avaient-ils mésestimé la vitesse de la tempête ? Certainement. Les montures étaient couchées, la tête prise dans des étoffes qui leur protégeaient les naseaux, les oreilles et les yeux. Leurs cavaliers restaient auprès d'elles avec une outre pleine en bandoulière. Rapidement les deux hommes et le démon s'engagèrent dans les ruelles désormais désertes, peinant à rester debout. La distance paraissait s'allonger à mesure qu'ils progressaient mais ils ne pouvaient pas abandonner la jeune mère et les femmes qui s'occupaient d'elle. Ce qu'ils ignoraient, c'est qu'au cœur de la nuée, des effrits gigantesques aux membres épais comme des arbres attisaient les bourrasques, arrachaient au sol des dunes entières pour nourrir le cauchemar, déchaînés, rendus ivres de rage et de douleur par les démonistes corrompus qui les avaient arrachés au Néant distordu.

Au moment où les derniers rayons du soleil s'éteignirent au couchant, la tempête s'abattit sur le village avec une violence inouïe.

Le sable balaya l'oued en rafales terribles qui emportaient tout ce qui n'était pas solidement arrimé. L'air fouettait, chargé de sable, de plantes arrachées, d'objets abandonnés. La poussière s'immisçait partout, asphyxiante. Aveuglés, les deux hommes se prirent la main et se courbèrent pour avancer. Ils luttaient désespérément pour atteindre, perdue entre palmiers et vannes d'irrigation, la petite tente ronde où la jeune mère était en proie aux douleurs de l'enfantement. L'abri précaire vibrait sur ses liens qu'il menaçait de rompre, déjà déchiré en plusieurs endroits. Un dernier effort et ils s'engouffrèrent enfin dans l'espace étroit. Ils distinguaient à peine les femmes dans l'obscurité, muettes de terreur. Seule la plus âgée semblait parvenir à lutter contre l'angoisse qui les paralysaient. Il n'était plus question de sortir d'ici. Il allait falloir se battre avec les moyens dont ils disposaient.

Un craquement sinistre couvrit les hurlements du vent et les figea tous sur place. Puis, avec un courage qui frisait la témérité, Ilakash s'extirpa de la tente qui fouettait l'air, cherchant à s'abriter derrière son démon. Il prit conscience du danger : l'ombre noire d'un palmier gigantesque penchait dangereusement au dessus des femmes et de son maître. Ses feuilles claquaient dans l'air comme des tentacules déchiqueteuses. D'un mot il intima à son démon l'ordre de repousser l'arbre, de le tirer de côté pour orienter sa chute. Plaqué au sol pour trouver son souffle, l'homme contempla, impuissant, le spectacle de son familier sur lequel s'abattit une tornade qui n'avait rien de naturel. Tandis que ce dernier saisissait les amarres arrachées de la tente qui fouettaient l'air rageusement, la bourrasque mystique le déchiqueta, éventrant son essence comme un baril lardé e coups de sabre. Avant même qu'il ne disparaisse dans les nuées, le démon n'était plus.

Alors l'homme s'élança à son tour, cinglé jusqu'au sang par les cordes rugueuses qui le déchiraient, éraflé par le sable qui lui arrachait la peau. Il s'empara d'une élingue et rampa pratiquement jusqu'au tronc qui battait violemment au dessus de la tente. L'abri n'était plus que lambeaux. Il parvint, tant bien que mal à se traîner jusqu'à la base du tronc pour le ceindre avant de faire coulisser le lien vers les feuilles qui frappaient les abords de la tente laminée avec une violence inouïe. Tout autour était effacé, perdu dans un flou abrasif. Les mains en sang, le démoniste croyait lutter contre mille chevaux sauvages et tirait, tractait, la gorge en feu, les yeux brûlants. Malgré l'asphyxie grandissante, il se battait avec une énergie farouche, décuplée par l'angoisse de sentir venir le bout de ses forces. Encore... encore un peu et il atteindrait le lourd volant de fonte de la vanne d'irrigation... un tout petit peu...

Un craquement sonore couvrit la tempête l'espace d'un instant et la terre trembla et gronda. Aucun cri ne sortit de la bouche emplie de sable du démoniste broyé dont l'âme s'envola à la seconde où le palmier s'abattit sur lui et sur deux des femmes, achevant l'abri qui ne méritait plus son nom. Ils n'étaient plus que trois, et c'est à trois, le guerrier, la vieille femme et la parturiente que, bravement, emmitouflés dans les toiles de la tente dévastée, ils survécurent aux éléments déchaînés.

Ce n'est qu'au petit matin, harassés de fatigue, qu'ils osèrent s'extirper de leur cachette, recouverts d'une épaisse couche de sable. La palmeraie n'était plus qu'un souvenir, les canaux d'irrigation ne se distinguaient plus que vaguement et rares étaient les maisons, éclatantes de blancheur dans le petit matin, qui n'avaient pas perdu leurs volets ou leurs maigres parures.

- "C'est... c'est un fils !!" sourit la vieille en exhibant ses chicots malodorants.

Il aurait dû sourire, se réjouir de ce premier-né. Mais il n'en avait pas le cœur. Tout autour de lui était ruines et désolation, aussi mort que cette femme qui lui avait donné un héritier. Les yeux du guerrier n'exprimaient qu'une chose : la vengeance.

- "Donne lui un nom, femme."
- "On... on l'appelera... fils de tempête ?"
- "Tsion'hebb, qu'il en soit ainsi. Mon fils, tu t'appelleras "fils de tempête", et en second nom tu seras Alakdjinn, car tu porteras la guerre au coeur du Démon."
- "Béni soit le grand lumineux ! Tsion'hebb Alakdjinn..." sourit encore la vieille femme en serrant affectueusement contre sa poitrine rabougrie la petite vie innocente.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:09

Chapitre II - Le grand conseil


Sept années s'étaient écoulées depuis l'incroyable tempête qui s'était abattue sur le pays du cheik Tel-Herzud. Sept longues années condamnés à errer dans un désert déchiré par les Ogres Gorduni et les insatiables Qirajis. Les pérégrinations de la communauté au cœur des dunes s'étaient faites, hélas, un peu au hasard ; sept saisons de marche, de haltes qui parfois prenaient des allures d'installation plus durable avant qu'un nouvel assaut de leurs ennemis ou quelque razzia de leurs lointains cousins bât-du-désert ne les repousse sans cesse plus loin au sud vers les montagnes dont les lignes bleutées soulignaient l'horizon mouvante par delà les dunes surchauffées.

Aux côtés de son père, l'enfant contemplait au loin, de ses yeux sombres, cette promesse d'avenir meilleur en serrant la main calleuse qui le rassurait. La contemplation lui permettait de distraire son trac et de se donner une contenance, car il n'était pas très à l'aise en cette occasion solennelle et savait qu'il avait un rang à tenir. Son père avait réuni un conseil.

- "Si je vous ai réunis, sages d'entre les sages, c'est pour que nous décidions ensemble du destin de notre peuple. Un roi par tribu pour décider si nos familles s'avanceront unies vers les montagnes, ou si, refusant le destin que le grand Lumineux trace pour nous, nous allons nous diviser et nous affaiblir."

Autour de lui, assis à même le sol ou sur des nattes colorées, les chefs de famille écoutaient ce meneur d'hommes qui depuis tant d'années veillait sur eux. Le cheik Tel-Herzud était un merveilleux chef de guerre, un fin tacticien grand amateur de femmes et de chevaux. De vin aussi, bien que les prêtres n'aient guère de regards aimables pour ce penchant à la bonne chair. Il s'en moquait. Quoi qu'il en soit, depuis quelques temps la bonne chair s'était tarie. Drapé dans une longue cape noire bordé de fils d'or, la barbe soigneusement huilée sous son turban d'épaisse soie de Gadgetzan, il posait successivement sur chacun d'eux un regard à la fois autoritaire et bienveillant. La main nonchalamment appuyée sur le pommeau d'un lourd sabre à lame courbe richement travaillée soulignait son autorité : il régnait sur quelques unes des douze familles dissidentes des Bât-du-Désert, et comptait bien continuer la lutte - et son fils après lui - pour ces terres qui étaient les leurs de mémoire d'homme. Mais ils avaient un besoin vital de s'établir, d'obtenir de bonnes récoltes et de reconstituer leurs troupeaux décimés.

"Asham ? Ton avis pour ta famille ?"

- "Je te suis Tel, je t'ai toujours suivi."
- "Ut'Badr ?"
- "Avec toi Tel-Herzud, pour l'honneur !"
- "Tiamnat ?"

La vieille femme, reine de son clan, pencha la tête sur le côté. Elle plongea son regard droit dans celui de ce chef avec qui elle cumulait les incompréhensions et malentendus, particulièrement depuis qu'il avait refusé de la prendre pour favorite après la mort de la mère de son héritier. Jamais il n'avait remplacé cette dernière. On ignorait s'il l'avait chérie, s'il l'avait même appréciée. Tous, sauf peut-être une très vieille femme au regard aujourd'hui brûlé de soleil, ignoraient les promesses que le cheik, au cœur des nuées, avait adressé à cette jeune mère dont la vie s'était éteinte entre ses mains à l'heure où elle lui donnait un fils. Ce n'était ni le premier ni le dernier ; mais pour une raison qui échappait à tous, il n'avait reconnu que celui-ci, le jeune Tsion'hebb, fils de tempête, et n'en reconnaîtrait sans doute aucun autre, pas plus qu'il n'avait remplacé sa favorite perdue.

Le regard de la vieille reine était un défi. La question entre eux n'avait pas besoin d'être formulée. Elle voulait régner à ses côtés et lui avait suffisamment fait savoir pour qu'il n'ignore rien de sa demande muette. L'air vibrait de tensions et le silence, lourd, troublé seulement par les cris lointains des enfants et les chants des insectes, se prolongeait.

La réponse du cheik surprit tout le monde :

- "T'occuperas-tu de mon fils comme du tien ? Lui apprendras-tu ton Art ? Lui prodigueras-tu les soins et l'attention que réclame son rang ?"
- "Il a sept ans, Tel-Herzud Ibn Ashakir. Il ne dépendra bientôt plus des femmes, mais des guerriers."
- "Je m'adresse autant à la femme qu'à la sorcière, Tiamnat. Décide-toi, ou pars."

Dans la poigne ferme du cheik souverain, une petite main tremblait d'émotion. La maîtresse de clan hocha la tête avec une lenteur calculée. D'un revers de bras qui fit tinter ses innombrables bracelets aux reflets précieux elle se voila le bas du visage. Elle masquait mal un sourire satisfait et posa un regard étrange sur l'enfant qui, un instant, soutint ce regard avec naïveté avant de le fuir pour le porter sur les deux autres femmes entièrement dissimulées dans leur burka et qui se tenaient en retrait de leur maîtresse. L'enfant frémit, amenant de nouvelles rides au coin des yeux de celle qui l'observa fixement encore un instant, comme si elle savourait son malaise, avant d'en revenir à la discussion. Il ne fallait pas en attendre plus de la part de cette chef de clan à l'égard du roi qu'ils s'étaient donné. Un "oui" lui aurait écorché la bouche. Le cheik sut s'en contenter et ignora le regard enténébré de la sorcière pour passer au suivant en faisant pivoter son fils avec lui.

L'un après l'autre, les chefs de famille s'en remirent à sa décision souveraine et lui renouvelèrent leur confiance pour les guider au cœur de ces montagnes dont ils ignoraient tout. Ils enverraient des éclaireurs reconnaître les sources, les pâturages, les vallons ombragés, mais surtout les bandits et les prédateurs. Ils trouveraient des terres fertiles pour leurs dernières graines, des lieux abrités pour reconstruire encore leurs maisons et, peut-être, s'établir enfin de façon durable. Ils progresseraient prudemment dans cet environnement nouveau dont ils ignoraient les dangers, trébucheraient sans doute, se relèveraient nécessairement, mais une chose ne les quitterait jamais : leur foi inébranlable.

Ensemble ils se tournèrent vers le levant, et adressèrent leurs prières à ce gardien des jours pour qu'il leur adresse en retour ses bienfaits innombrables.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:10

Chapitre III - Encre et Lumière


Tiamnat était décidément une meneuse atypique mais elle maniait son clan avec droiture à défaut de justice. Dotée d'un égo puissant à la limite de la violence, elle poussait souvent à bout les hommes et femmes de son entourage et les crises de larmes n'étaient pas rares pour celles qui devaient supporter non pas son humeur changeante - car elle ne l'était pas, hélas - mais la dureté de son caractère qui ne tolérait aucune erreur. Elle se montrait souvent cassante, voire blessante, assénant les vérités les plus délicates avec brutalité. Entourée exclusivement de femmes, elle vivait dans un réseau de maisons serrées qui reléguait les hommes à l'extérieur d'un cercle très étroit de courtisanes dont le visage disparaissait des mémoires le jour où elles entraient à son service. La burka était leur arme, et bien malin qui aurait su dire, au sein des tribus, qui était une suivante de Tiamnat et qui ne l'était pas.

Sans s'en rendre compte, le jeune Tsion'hebb apprenait beaucoup auprès de cette femme, la seule à n'être jamais voilée, et notamment comment le consensus n'était pas l'étalon absolu de la bonne politique mais qu'une poigne de fer dans un gant au velours aussi mince qu'un satin de Gente-Pression pouvait faire l'affaire s'il était correctement ajusté. Tiamnat avait en vérité une façon de présenter les choses qui mettait toujours l'interlocuteur en défaut, ou face à une défaillance, de sorte à toujours avoir l'initiative ou l'avantage. Du haut de ses onze ans, le garçonnet cultivait à ses côtés une forme de perspicacité vis-à-vis de cette tournure d'esprit et admirait l'habileté de cette sorcière que l'âge n'émoussait pas.

Ce n'est pas la seule des choses que le garçon apprit aux côtés de l'ancienne. Une fois circoncis il se vit offrir l'accès à un savoir qui n'était réservé qu'à l'élite, car - il ne s'en rendit compte que plus tard - la reine était aussi une mère dont les enfants vivaient dans toutes les tribus au gré d'amours aussi éphémères que politiques. A ce titre, tout à fait officieux, elle régnait au centre d'une toile dont l'influence, bien moins visible que celle du cheik Tel-Herzud, ne lui cédait que peu de choses en termes d'efficacité. C'est bien pour cette raison que le père avait ainsi placé son fils, et là encore la subtilité du plan n'échappait à aucun des partis, sinon l'enfant qui n'en prit conscience que plus tard et très progressivement.

- "Si tu t'arrêtes à la première difficulté, tu ne seras jamais un artisan de l'Art."
- "J'ai mal à la main."
- "La plume plus forte que la chair ?"
sourit la jeune femme en agitant sa baguette de sureau.
- "Je n'en peux plus, je vous jure !"
- "Ecris ! Et garde toi de jurer, par la Lumière !"
- "Mais j'ai mal je vous dis."
- "Montre moi ça, étends ta main. Où as-tu mal ?"
lui demanda-t-elle avec plus de douceur.
- "J'ai peine à la déplier, elle est toute contractée." gémit l'enfant en posant la plume sur son écritoire en bois de palme.

Délicatement elle déplia les doigts contractés, les replia, et massa la paume entre ses mains fraîches. Mais, alors qu'il allait lui adresser un sourire reconnaissant, la baguette siffla et s'abattit, cinglante, sur la main ouverte.

- "Et maintenant écris : "Je ne ferai rien au nom de la Lumière.""

Il commença à écrire, la main douloureuse mais d'une autre façon, puis s'arrêta, hésitant.

- "Je.. je dois vraiment écrire ça ?"
- "Je te l'ai ordonné ! Mettrais-tu en cause ma manière petit malin ?"
- "Non mais, c'est..."


Elle sourit avec, derrière la grille de tissu, un regard qu'on devinait plein de morgue.

- "Si tu te crois l'égal du Grand Lumineux, alors tu peux agir au nom de la Lumière et je t'autorise à ne pas m'obéir. Et sinon, garde toi de le faire, car tu es imparfait et le moindre de tes actes souillerait sa Perfection."
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:10

Chapitre IV - Jeux interdits


- "Fatou ? Viens ! Y'a un passage encore ici. On va voir ?"

Il n'attendit pas de réponse avant de s'engager à quatre pattes dans l'épaisseur du mur qu'une profonde lézarde, juste assez large pour l'enfant, zébrait de haut en bas.

- "C'est dangereux Tsion, on ne devrait même pas être là."
- "T'as la trouille-euh, t'as la trouille-euh ! Je dirais à Achma que tu n'es même pas cap' de venir avec moi dans les caves ! Mouahahaha !"

Piquée au vif, la gamine jeta un regard noir à son camarade sur lequel la flamme hésitante de la lampe à huile bricolée jeta des reflets inquiétants. Mais il en fallait plus pour interrompre ce jeu d'exploration qui avait mené les deux enfants au bord de la nécropole.

- "Tiens moi ça."
- "Tu vois quoi ?"
- "Justement je ne vois rien, lève plus haut."

Facile à dire ! Elle était déjà presque sur la pointe des pieds et elle n'avait aucune envie de se renverser l'huile brûlante sur ses manches, et encore moins envie de voir la mèche instable tomber définitivement dans l'huile et s'y noyer. Ils auraient été plongés dans le noir... et alors bien malin qui aurait retrouvé avant l'heure du repas le chemin de la sortie.

La sandale du garçonnet disparut dans l'interstice avec un petit cri de surprise.

- "Ca va ?"
- "Mais oui ça va, sauf que c'est plus bas que je pensais c'est tout. Viens je t'aide."
- "Prends la lampe alors, idiot."
- "Si tu tremblais moins, je l'aurais déjà en main. Fatou t'es vraiment une flipette ! flipette ! flipette !"
- "Arrête !"
- "J'arrêterai quand tu seras arrivée à faire passer tes grosses fesses ! Hihihi !"

Elle prit sur elle de ne plus répondre à ces piques que, du haut de ses huit ans, elle jugea trop gamines pour mériter qu'elle y use sa salive. A force de tirer sur ses bras et de se débattre contre l'emprise de la maçonnerie qui semblait vouloir l'emprisonner pour le restant de ses jours, elle finit par s'extraire de l'autre côté. Elle distinguait la silhouette de Tsion'hebb qui l'attendait, bras tendus, près d'une coudée plus bas.

- "Allez saute biquette ! Bêêêê !"
- "T'es chiant. Pousse toi, j'ai pas besoin de toi."
- "Pfff... "

Il la laissa se débrouiller et allait pour récupérer leur source de lumière quand il entendit non seulement le saut de sa petite copine mais aussi un craquement bizarre suivit d'un gémissement contenu. Il se retourna aussi vite que possible pour ne pas renverser l'huile précieuse.

Elle ne disait plus rien et ce n'est qu'en approchant la lampe qu'il constata que les pieds de l'enfant avait traversé le bois vermoulu d'un coffre ancien. Avec appréhension elle s'était blottie plus loin, les chevilles blessées par les échardes.

- "Mince, t'as crevé un sarcophage."

De fait, à l'intérieur du coffrage, le squelette du défunt à moitié recouvert de lambeaux de tissu décomposé en avait perdu sa mâchoire et le sternum défoncé n'était plus qu'un souvenir là où les côtes perçaient l'étoffe comme une miniature de ces squelettes immenses qui blanchissaient dans le désert. Pris de remords et d'une crainte superstitieuse, le garçon repéra l'os démantibulé. Alors, rassemblant son courage, il plongea la main à l'intérieur et tâtonna pour récupérer le maxillaire qu'il extirpa sans peine. Mais ses doigts rencontrèrent une forme ronde, froide, et se refermèrent sur les deux objets qu'il ramena à la lumière.

- "Tu.. tu fais quoi ?" gémit-elle doucement en se massant les chevilles, aussi inquiète que lui de la profanation et des conséquences dont ils ne mesuraient pas grand'chose sinon qu'ils auraient sans doute droit à une terrible punition.

- "Je répare tes bêtises, t'as tout cassé."
- "C'est nul ton idée ! J'ai mal ! Je saigne, regarde !"
- "Pfff, tu chouines pour rien."
- "Ah oui ! Tu crois ça ! Et puis tiens, tu as vu ? On va faire comment pour remonter hein ? Gros malin !"
- "On va grimper." rétorqua-t-il en haussant les épaules comme s'il s'agissait de la chose la plus évidente du monde.

Tous les deux firent silence quand l'os édenté et la pierre étrange approchèrent du cerle de lumière jaune. Lentement Tsion'hebb tourna l'un et l'autre dans ses mains avant de faire claquer la mâchoire contre son poing fermé de façon faussement menaçante en direction de sa comparse.

- "Je suis un esprit du maaaal ! Et tu vas mourriiiiiir !" lança-t-il avec les sourcils froncés et un rictus mauvais, très dans son rôle.

La petite se débattit en agitant les pieds pour repousser la menace avec un cri d'effroi.

- "Tsiooooon !! Arrêêête Tsiooooooon !!"
- "Trop tard Fatou ! Tu as troublé mon repôôôôs ! Je vais invoquer un terriiiible démon qui va emporter ton âââme !!!" lança l'enfant, rieur, trop content de la réaction qu'il provoquait chez son amie terrorisée.

Il s'approcha encore, grondant d'imprécations blasphématoires, avant de remarquer qu'elle ne le regardait plus. Elle semblait fixer autre chose, derrière lui, une chose dont la lumière propre expliquait qu'il la distingue encore aussi bien dans les ténèbres que la petite lampe à huile peinait à percer.

Une espèce de détonation soufrée jeta les enfants l'un sur l'autre et c'est désormais deux paires d'yeux écarquillés qui scrutaient l'étrange cercle de lumière qui tournoyait sur les murs ancestraux en y projetant des reflets d'outre-monde. Des motifs étranges, dérangeants, parcouraient la maçonnerie plusieurs fois centenaire. Sur la rétine de ces enfants terrorisés s'inscrivaient des pentacles aux couleurs usées, se révélaient des mosaïques aux formes infernales qui leur sautaient à la figure dans les éclats de lueurs malsaines. Au milieu de flammes vert-jaune, une forme cornue prenait lentement consistance. Elle s'accroupit, sautilla, fit craquer sa nuque, et s'avisa enfin de la présence des enfants qui se cramponnaient instinctivement l'un à l'autre.

Une petite voix nasillarde à l'accent ancien, parfaitement décalée, déchira le silence sépulcral avec une intonation étonnée :

- "Raaaah... encore les plus petits !?!"
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:12

Chapitre V - Flammes de l'Enfer.


Le petit être cornu jetait des regards mauvais sur la pièce. Les flammes colorées qui l'environnaient projetaient sur les fresques malsaines leur lumière dansante et leur donnant des reflets inquiétants. Il n'avait de cesse d'émettre des couinements étranges aux accents surnaturels qui terrifiaient les deux enfants. Leurs yeux écarquillés scrutaient avec angoisse le moindre geste et ils sursautaient à chaque mouvement un peu vif de la créature dont émanait une aura d'angoisse mystique qui leur broyait.

L'effroi ne fit qu'empirer quand la créature sautillante s'approcha du sarcophage éventré. Fatou tira machinalement sur sa robe pour dissimuler ses chevilles blessées. Ses doigts s'enfonçaient dans le bras de son camarade qui n'y prêtait aucune attention, bien trop terrorisé par la monstruosité qui plongeait le bras dans le cercueil et bientôt toute la tête.

Elle eut d'ailleurs bien du mal à la ressortir et s'excita grandement avant de parvenir enfin à extraire ses cornes coincées qui avait accroché de façon grotesque une bandelette mortuaire tâchée de moisissure ancestrale. Elle la jeta au sol rageusement et l'enflamma d'un geste avant de la piétiner, sans un regard sur le trou hideux du cercueil encore agrandi.

- "Même mort il faut encore qu'il me cherche des crosses ! Z'êtes qui vous ?"

Les enfants sursautèrent une fois encore, plaqués au plus loin dans un recoin de la pièce. La petite fille étouffa un nouveau cri dans la bure de son camarade qui, pour sa part, agrippait le bas de son burnous désespérément. La voix nasillarde résonnait d'une façon terriblement irréelle avec des accents métalliques qui vrillaient les oreilles de façon horrible.

- "Z'avez perdu votre langue ?"

La bestiole s'approcha en tressautant. Tout en elle était disproportion. Son visage était horriblement difforme : un long nez comme les sorcières de légende, un menton saillant et fendu et des petits yeux cruels sur une tête énorme par rapport à un corps malingre. Il n'avait absolument rien de rassurant... et moins encore quand il tendait son cou maigrichon pour tenter d'apercevoir la pauvre Fatou qui enfouissait son visage dans le dos du garçon en tremblant comme une feuille, ne laissant même plus voir ses yeux écarquillés.

- "On... on est... des enfants." parvint à articuler l'enfant en luttant contre la paralysie qui l'étreignait.

- "Oooooh... bah ça... je ne m'en serais pas douté tiens ! Et... c'est quoi vos p'tits noms à tous les deux ?"

Un doigt maigrelet, long comme un instrument de torture et griffu comme une promesse de souffrance désignait alternativement l'un et l'autre.

- "M.moi c'est T.T.T.Tsion'hebb et... et elle c'est... c'est Fat..."
- "DIS PAAAS !!!!"

Elle avait hurlé. Et autant Tsion'hebb s'était recroquevillé encore si c'était possible, autant le diablotin avait fait un bond impressionnant qui l'avait amené à heurter durement le mur opposé en lui arrachant un petit cri d'animal blessé. Un peu sonné, il se frottait l'arrière du crâne en pestant, sans remarquer qu'il venait de renverser la coupelle d'huile dont contenu se répandait sournoisement en soulevant la poussière.

- "C'était pas dans mon contrat..." geignait la bestiole d'outre-monde en cherchant à retrouver ses esprits.

Mais il n'en eut pas le temps. L'huile chaude atteignit ses flammes démoniaques et une gerbe de feu se propagea en un souffle brûlant tout autour de la bestiole qui se tortilla de douleur en projetant des gouttes enflammées un peu partout.

Il n'en fallut pas plus pour que les deux gamins, fous de terreur, asphyxiés et aveuglés par la lourde poussière soulevée par les flammes, se précipitent vers la lézarde par laquelle ils étaient entrés. Comme des déments ils cherchaient à se hisser, s'infligeant malgré eux griffures, coupures et contusions diverses, en grimpant sur le sarcophage dont le bas de caisse, aussi sec que de l'amadou, s'enflammait à vue d'œil comme s'il s'était agi de vulgaire papyrus.

A force de se débattre en contorsions dignes de vers coupés, ils parvinrent à s'extirper de la faille et à se réfugier le plus loin possible dans un recoin ou un cul-de-sac, totalement perdus, plongés dans le noir absolu. La seule chose qu'il parvenaient à entendre encore était les hurlements de colère et de douleur mêlées qui les poursuivaient dans les ténèbres. Mais ceux-ci s'éteignirent rapidement, couverts par le grondement de l'incendie qui dévorait le sarcophage et son contenu.

- "Tu vas souffrir Tsio...AAAHh !!! Par le Néant distordu ! Tsion'hebb, vous me paierez ça sales... AAAAH !!!!"

Difficile de dire combien d'heures ils passèrent là sans oser bouger. L'odeur de brûlé parvenait à peine jusqu'à eux et ils n'avaient conscience de rien sinon la présence de l'autre, vaguement rassurante. Les hommes du cheik, alertés par les fumées qui montaient de la nécropole, les retrouvèrent enfin, encore hébétés, en proie à une terreur qui n'avait plus de raison. Comment auraient-ils pu comprendre l'effroyable angoisse de celui qui avait livré son nom ?
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:11

Chapitre VI - Sommeil du Juste.


- "Qui était-ce ?"
- "Un homme de l'Art qui officiait il y a... à peine plus d'une centaine d'années. Son nom est perdu dans les mémoires."
- "Aucune blessure apparente ?"
- "Rien de sérieux seigneur."
- "Et la petite qui l'accompagnait ?"
- "Quelques brûlures mais que des choses superficielles."
- "Alors pourquoi ne se réveille-t-il pas ? Qu'en dit la petite ?"
- "Presque rien. Elle est très choquée. Elle confirme simplement qu'il était conscient jusqu'à l'arrivée des secours."
- "Je veux voir Tiamnat."
- "On me dit qu'elle est en route pour vous rencontrer seigneur."
- "Et bien tant mieux. Faites la entrer dès qu'elle se présentera."

A peine son aide de camp était-il ressorti que le cheik Tel'Herzud se versa une autre coupe de ce vin corsé de son pays, sans même y ajouter la touche d'épices qu'il appréciait tant. Il s'inquiétait. Trois jours désormais que son fils, le jeune Tsion'hebb, semblait plongé dans un coma agité qui avait toutes les apparences d'une lutte invisible, d'un combat qui le laissait, lui, le chef de guerre, totalement impuissant, incapable de lui venir en aide. Au départ les médecins avaient pensé à des cauchemars, mais les prescriptions de fumigation ne lui avaient apporté aucun réconfort, pas plus que les onctions d'onguents rares. Il était temps de faire appel à la reine de l'Art, la plus puissante de leurs démonistes et aussi la plus âgée.

Tiamnat ne tarda pas en effet, et traversa la vaste salle au sol de marbre avec une démarche si fluide qu'elle semblait flotter dans ses étoffes sombres. Sans en avoir reçu l'ordre, ses deux suivantes entièrement voilées de la livrée noire de la vieille reine s'arrêtèrent à distance respectueuse tandis que leur maîtresse s'avançait aux côtés du cheik dont le regard se portait, par delà les tentures sur l'océan de palmes que le vent agitait doucement.

- "Il vivra." annonça la reine de sa voix rauque.
- "Mais ?"

Elle sourit. Il se doutait, mais elle savait qu'il savait et il savait qu'elle savait qu'il savait. Tout avait un prix, surtout ce qu'il s'apprêtait à demander : la vie pour son héritier.

- "Mais encore faut-il que tu me le demandes... et que tu acceptes mon prix, Tel'Herzud."
- "Vas-tu monnayer ton aide sur la tête de mon fils ?"
- "Pourquoi manquerais-je cette occasion unique, ô mon futur époux ?"

Il ne cilla pas. Ainsi était-ce là ce qu'elle souhaitait : des épousailles. Il s'en doutait, évidemment. Comment avait-il pu, un instant, espérer qu'elle n'abuserait pas de ce moment de faiblesse ? Oh certes, une alliance aussi puissante entre leurs deux clans seraient une incroyable force contre les multiples agressions, aussi bien physiques que mystiques ou politiques, dont le cheik était la cible incessante. Bien des quolibets cesseraient quant à son goût des femmes mais son refus de désigner une favorite parmi toutes ces filles des tribus ou d'ailleurs. Il en résulterait sans doute... une forme d'apaisement.

Peut-être que le grand lumineux l'avait voulu ainsi. Peut-être avait-il fallu que son fils perturbe le repos éternel d'un mage de l'Art pour que cette alliance puisse avoir lieu et emporter sa décision. Lentement il lissa sa barbe huilée sans quitter du regard la mer de verdure qui protégeait les maisons de la morsure du désert. Puis enfin il l'observa.

Il la contempla un moment comme on observe le serpent charmeur qu'on introduit dans sa propre maison. Elle affichait sous son voile léger un sourire narquois qui ne manquait pas de charme malgré l'âge qu'elle accusait. Il ne se faisait aucune illusion sur le fait qu'il n'aimerait jamais cette femme et n'en obtiendrait probablement jamais les faveurs sans l'y contraindre, mais après tout... pourquoi lui refuser cette place qu'elle avait les qualités pour occuper. Par respect pour une morte et des voeux dont la valeur se perdait dans les grondements d'une tempête ? par égard pour une femme dont il s'était aperçu à l'heure de la perdre qu'il l'avait aimée plus que nulle autre ? Qui était le plus hérétique des deux ? Lui qui opposait un fantôme à une rivale digne du rang qu'elle briguait, ou elle qui luttait avec ce que la providence lui avait offert comme arme ?

- "Alors je te le demande, Tiamnat : Sauve le."
- "Vos désirs... sont des ordres, maître."

Les pas presque invisibles dans sa longue robe de velours sombre, elle rejoignit ses femmes et n'exprima que par un regard brillant l'exultation que son cœur éprouvait. Elle allait être reine ! Enfin ! Après tant d'années ! Son palais... lui paraissait soudain bien étroit. Il lui tardait déjà d'investir d'autres lieux.

- "Ne risque-t-il pas de se douter de quelque chose, mère ?" souffla la disciple à ceinture d'or, la plus avancée de ses élèves et la plus douée aussi.
- "Il ne connaît rien à l'Art, il n'a aucune idée de nos capacités au-delà de celles qui le servent au combat. Ne t'en fais pas ma fille, nous ne le réveillerons pas tout de suite, cela semblerait trop suspect."
- "Merci de votre confiance Mère, je suis honorée."
- "J'ai confiance en toi Saïdan. Quant à ce cheik, pauvre âme... comment pourrait-il se d..."
- "Mère ! Mère !"

Une course précipitée amena une jeune fille échevelée d'à peine dix ans dans le gynécée aux murs d'ocre et de jaunes. L'une des femmes en burka invoquait déjà les puissances du Néant pour jeter à terre l'impudente mais sa reine l'arrêta d'un geste pour écouter la jeune Fatou qui tomba à genoux, complètement essoufflée :

"Mère ! Mère ! Il se réveille !"
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:12

Chapitre VII - Le prix du savoir


- "par tout le sang des Infidèles !"

La vieille reine proféra d'affreux blasphèmes en s'engageant dans la multitude de couloirs qui menaient à la chambre où l'enfant reposait. Un regard furieux balaya la pièce dans laquelle l'atmosphère sembla devenir glaciale. Les trois femmes présentes se regroupèrent dans l'angle opposé à la natte du dormeur. De fait ce dernier s'agitait, les mains et la tête animés de mouvements un peu désordonnés. On devinait les yeux qui roulaient derrière les paupières closes.

- "Préparez un somnifère immédiatement, nous devons gagner du temps !"

Immédiatement les femmes s'égayèrent pour mettre en œuvre les volontés de la sorcière sous le regard hautain d'une Saïdan qui, un peu plus tard, éprouva des lèvres la température de la décoction achevée. Mais la reine l'arrêta d'un geste : l'enfant venait d'ouvrir les yeux. Immédiatement le visage ridé se transforma et afficha un sourire tendre et un regard de profonde compassion :

- "Chuuut... n'essaie de parler jeune prince. Tu as survécu à des choses effroyables et tu dois te reposer."
- "O.Où est-ce que je suis ? Il s'est passé quoi ?"
- "Tu es dans mon palais mon enfant", murmura d'une voix douce la vieille femme en passant une main apaisante dans les cheveux de l'enfant. Il luttait contre l'engourdissement qui refluait dans son esprit mais laissait ses membres ankylosés.
- "On... on a vu un diable ! F.Fatou... elle... elle est où ?"
- "Chuuut... tu as encore besoin de dormir. Elle va bien. On vous a trouvé ensemble. Bois ça s'il te plaît beau prince."

Avec délicatesse elle posa le bord du gobelet de corne sur les lèvres sèches du jeune garçon tout en lui redressant la tête. Il déglutit avec difficulté avant de s'effondrer en quelques secondes non seulement sous l'effet du breuvage mais aussi de l'épuisement qu'avait suscité cette courte lutte contre le coma. Il se sentit englué dans un brouillard abrutissant qui emporta sa volonté chancelante comme un fétu de paille. Et pourtant il avait une étrange conscience de cette boule d'ivoire qu'il serrait dans son poing. Elle pulsait d'une lumière opaque dont les noirs éclats filtraient à peine entre ses doigts et dont la présence, étrangement, avait échappé même à celles qui avaient en charge ses soins quotidiens.

Quelques instants plus tard les deux femmes, maîtresse et disciple, étaient de nouveau réunies dans la pièce sombre, parées de tentures épaisses et précieuses et où les étroites ouvertures projetaient des rayons de lumière crue sur les nuages de vapeur échappés de la pipe à eau. Saïdan y déposa les herbes qu'elle était la seule à avoir le droit de préparer pour sa reine et son instructrice dans les choses de l'Art. Cette dernière s'était assise, pensive, sur les coussins de soie pourpre, prête en emboucher l'instrument.

- "Comment a-t-il pu résister à l'Art ? Il aurait dû dormir une lune entière et l'effet n'aura duré que quelques jours. C'est incompréhensible." osa l'apprentie pour rompre la glace.
- "Quelque chose nous échappe ma belle."
- "Est-ce que son père... ?"
- "En aucun cas ! C'est un sinistre profane sans aucune affinité pour la magie, encore moins pour notre Art délicat."
- "Sa mère ?"
- "Comment le savoir ? Elle est morte en couches."
- "Il n'y a pourtant qu'un don de vie qui puisse lui offrir une telle protection, n'est-ce pas ?"
- "L'Art l'exige. Rien ne se perd, rien ne se crée..."
- "... tout se transforme selon des principes régies par la Loi."


La vieille reine sourit de la vivacité d'esprit de sa meilleure élève. Elle tira quelques bouffées de l'embout de métal, amorçant l'instrument, avant d'en inhaler une pleine bouffée, puis une autre, et une autre encore. Les tempes lui battaient, elle se sentait la tête lourde, mais sa volonté savait diriger, subtilement, cet état second dans lequel les choses s'éclaircissent pour mieux se dissiper, s'annoncent sans s'avancer, existent sans substance.

- "Mère... dites moi. Pourquoi le laisser endormi."
- "Pour gagner du temps, ainsi que je te l'ai déjà dit."


Hâtivement la jeune apprentie accumula les coussins dans le dos de son aînée qu'elle aida à se débarrasser de ses lourdes robes. Déjà la respiration de la vieille reine devenait lourde.

- "Pourquoi gagner du temps ?"
- "Son Père... son père doit nous céder sans partage. Et nous devons savoir. Oui... oui nous devons... savoir."
- "Savoir, Mère ?"
- "Savoir pourquoi cette tombe précisément, pourquoi le sortilège n'a pas fonctionné, savoir ; Il y a nécessairement quelque... quelque chose qui le guide."


Les mains douces de Saïdan accompagnèrent la lente chute de la reine dont les tatouages noirs qui lui couvraient le buste et les épaules irradiaient d'un éclat ténébreux.

- "Il y a bien quelqu'un qui pourrait savoir..." souffla-t-elle, presque imperceptible.

Le reste de ses propos, devenus murmures, échappèrent à l'enfant terrorisée dont la présence derrière le buffet laqué était restée parfaitement discrète.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:12

Chapitre VIII - Le grand échiquier


- "Il vit, mes servantes y veillent."
- "Et comment est-il ?"
- "Ne te soucie pas, chef des chefs. Occupe-toi plutôt de remplir ta part de notre accord et fais moi confiance : ton fils sera à tes côtés le jour de nos épousailles."
- "Je te le souhaite Tiamnat. N'espère pas obtenir quoi que ce soit si cette condition n'est pas remplie."
- "Je connais mon devoir."

Il ne répondit plus, se contentant de replonger dans les rouleaux de papyrus qui encombraient une large console. Elle avait la finesse pour comprendre qu'elle n'avait rien à gagner à rester sur place. Le cheik, irritable, supportait mal sa présence et plus mal encore l'avenir qu'elle l'avait contraint à accepter. Jamais il ne lui accorderait plus que les honneurs indispensables et son ventre était sec depuis trop longtemps pour qu'il la regarde autrement que comme la créature avide de pouvoir qu'elle assumait d'être. Après une salutation à la courtoisie minimale, elle se retira.

A peine eût-elle disparu derrière les lourdes portes d'ébène que le brave Raggazim écarta la tenture qui masquait un passage dissimulé, poussant devant lui la petite Fatou, pâle comme une morte. Le cheik s'agenouilla devant l'enfant ; sa voix était bienveillante. Les yeux dans ceux de la fillette, il lui demanda une ultime confirmation à laquelle cette dernière, ainsi qu'on lui avait recommandé, ne répondit qu'en hochant la tête, les yeux pleins d'inquiétude.

- "Tu peux parler à présent", sourit le cheik. "Tout ira bien, je te l'ai promis. Tes parents recevront le prix de ton courage et jamais vous ne serez inquiétés. Tu sais qui je suis n'est-ce pas ?"
- "Vous êtes Tel'Herzud, notre cheik bien-aimé et miséricordieux." récita la jeune fille d'une voix précipitée.
- "Je ne suis pas que ça petite Fatou."

Le regard de l'enfant n'avait pas d'expression. Si elle était curieuse, elle était sans doute trop angoissée pour l'exprimer, trop impressionnée par le père de son petit compagnon d'infortune et la seule personne vers laquelle ses parents avaient cru bon de la diriger, sur les conseils de leur ancien qui s'était fait une place à coups de sabre dans l'entourage du roi des tribus : le brave Raggazim. Ce chef de famille avait accompagnée la petite Fatou en personne ; Sans disposer d'une conscience politique aiguisée, il n'était tout de même pas stupide au point de laisser passer cette chance de se faire remarquer du grand chef autrement que par ses faits d'armes, et, peut-être, de décrocher quelque récompense ou avantage qui assure aux siens autant qu'à lui-même un avenir fait d'autre chose que de creuser des sillons et des rigoles dans la terre poussiéreuse.

"Je suis aussi votre père à tous. Je suis votre serviteur et votre porteur d'eau. Je suis le gardien des puits et le protecteur des tribus. Sais-tu pourquoi les Ogres me craignent ?"

- "N.Non"
- "Parce qu'ils savent que tout est équilibre, et qu'il serait mauvais pour tout le monde que celui-ci soit rompu. Cependant... le bon sens des Ogres n'est pas la chose la mieux partagée, et il semble que parmi nous... certains leur envient leurs canines d'une demi-coudée. J'ai bien peur que leur bouche ne soit pas assez grande... et qu'ils s'en étouffent. Mais grâce à toi, nous allons pouvoir y remédier petite Fatou. Ils commenceront par manger leurs propres dents."

Il éclata d'un rire sonore qui parvient à détendre l'atmosphère. En vérité les paroles du roi ne s'adressaient pas tant à la petite fille - qui n'en tirait guère de conclusion - qu'au chef de tribu qui mesurait non sans un certain malaise la tension latente dans les mots de son chef mais souriait quand même par solidarité.

"Nous sommes en guerre petite Fatou, une guerre qui n'aura d'issue que lorque le marteau du forgeron aura tiré du fer qu'il bat la forme qu'il attend. Une petite étincelle a jailli entre le marteau et l'enclume. Elle éclaire le travail de l'artisan de sa lumière propre. Tu es cette étincelle Fatou ; Grâce à toi l'histoire des tribus va connaître un grand tournant."

Lentement il se redressa, délaissant l'enfant pour s'adresser à l'homme qui l'accompagnait et déglutissait difficilement.

- "Quant à toi, sage Raggazim, sache que ta loyauté sera récompensée à la mesure de ta clairvoyance. Prends ceci comme acompte."

Le cheik tendit une petite cassette négligemment déposée sur une banquette couverte de peaux de félins tachetés. L'homme s'en saisit et s'inclina profondément devant son roi avant de prendre de nouveau la main de l'enfant.

- "Tu me dis qu'il y avait une boule blanche dans la tombe n'est-ce pas ?"
- "O.Oui je... je suis presque sûre. Elle me faisait presque aussi peur que l'esprit du mort."
- "Elle... elle croit que ce qu'elle a vu était l'esprit du défunt Yrz'Abnet, noble cheik." précisa le vieux soldat.

Le coin des lèvres du chef des chefs se releva avec une expression roublarde que le soldat connaissait bien. Elle signait le moment où son commandant percevait une issue favorable, anticipait une victoire par la grâce du Grand Lumineux.

- "Vas en paix et tenez bien votre langue. Je serais très déçu si je devais vous en priver pour m'assurer de votre silence. Tu sais que je le ferais Raggazim."

L'homme hocha la tête et se hâta de pousser l'enfant devant lui pour sortir par une porte dérobée du groupe de maisons blanches qui formait le palais de Tel'herzud. Une fois hors de vue, il ouvrit la cassette et, un instant plus tard, dut lutter pour ne pas abhorrer un sourire un peu niais.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:13

Chapitre IX - L'éveil


Deux mois déjà s'étaient écoulés depuis que le jeune Tsion'hebb était revenu vers les siens. Il avait retrouvé ses compagnons et tous les gens de l'entourage du cheik avec un plaisir qu'il avait savouré comme on profite de moments précieux. Les chiens lui avaient fait une fête mémorable et s'étaient grimpé les uns sur les autres, débordant de vitalité, en quête d'une caresse ou d'un regard de leur jeune maître dans un concert d'aboiements joyeux qui l'avait fait rire.

Mais en lui, quelque chose avait changé. Il ne pouvait oublier les mots qui, dans un sommeil attardé, avaient franchi les portes de sa conscience. Des voix juvéniles avaient résonné, suffisamment fortes pour briser sa léthargie.

- "Tu en a mis beaucoup non ?"
- "Non, il est jeune, son cœur tiendra."
- "Mais s'il s'endort trop ? s'il arrête de respirer ?"
- "Alors le cheik pleurera, mais notre maîtresse relèvera l'enfant. Il ne verra pas la différence."
- "Tu veux dire... d'entre les morts ?"


La question n'avait pas eu de réponse mais cette dernière ne faisait pas de doute. Quelques instants plus tard le bord émaillé d'un bol de mixture un peu âcre forçait ses lèvres et il dut se résoudre à boire le liquide, à court d'idées pour esquiver un projet de fuite qui s'était déjà perdu dans des rêves chaotiques.

Son "vrai" réveil se produisit à une heure très avancée de la matinée. Le soleil n'était pas levé. Péniblement le jeune garçon s'assit, ankylosé de partout. Il se sentait terriblement raide et la bouche pâteuse, mais son esprit était clair. Il se sentait juste, paradoxalement, extrêmement fatigué, mais avant besoin de bouger, de respirer. D'un geste maladroit il repoussa une couverture en poil de chèvre sur ses jambes et posa les pieds sur le sol carrelé de motifs dont les couleurs demeuraient imperceptibles. Un courant d'air léger faisait osciller les rideaux qui obturaient l'alcôve dans laquelle il avait dormi. Il portait encore sa djellaba mais elle avait été nettoyée et sentait plutôt bon ; Lui moins.

C'est seulement à cet instant que le jeune prince prit conscience de la crispation de sa main et relâcha la balle qu'il serrait avec force. Il eut du mal à ouvrir les doigts et dut même forcer avec l'autre main pour libérer la sphère qui n'était pas de cuir, comme il avait cru le deviner au premier abord, mais bel et bien d'ivoire comme il s'en rendit compte une fois sur la galerie, ignorant les autres alcôves que des rideaux identiques isolaient de la petite pièce qu'il avait traversée. Une lune attardée jetait une lueur blafarde sur l'étage supérieur du palais de Tiamnat. La boule qu'il avait dans sa main venait du sarcophage, il n'en doutait pas, comme il n'avait aucun doute sur l'identité de son ancien propriétaire : Yrz'Abnet.

Ce nom résonnait dans l'esprit du garçon comme un rire dont le ton lui échappait autant que la provenance. Il fit jouer ses doigts tout en progressant vers un escalier qui donnait accès au patio en contrebas, plongé dans l'obscurité. Instinctivement il avait cherché les appuis les plus discrets, chose aisée sur le sol maçonné, mais bien moins dans l'escalier dont le bois gémissait sous ses pas en lui occasionnant des mimiques grotesques. Il n'était pas encore arrivé au bas des marches quand un froissement de tissu précéda de peu une voix dont la tonalité féminine n'en cédait rien à l'autorité latente.

- "Que fais-tu là jeune prince ?" lança la femme voilée qui venait de se lever précipitamment.
- "Je... je prends un peu l'air." lança-t-il en manquant de s'étouffer tant sa gorge était sèche et sa voix éraillée. "Je voulais de l'eau."
- "Tiouljis, va chercher de l'eau pour ce jeune homme."


Un son, entre grincement et couinement, monta du tas de couvertures sales dont l'ombre se perdait au bas des marches. Une créature crachottante de flammèches vertes et jaunes sautilla maladroitement pour se dégager et ronchonna des mots sans suite avant de s'éloigner de la même démarche ridicule dans une flaque de lumière glauque ; Il crut tomber dans une eau glacée et n'osa plus esquisser le moindre geste, le regard perdu au delà de la stupéfaction. La femme se tourna à nouveau vers lui et gloussa sous sa burka de cette expression qu'elle trouvait visiblement très comique.

- "C.C.C.C..."
- "Il va revenir."
répondit-elle d'une voix hilare qu'elle tentait de contenir dans un volume raisonnable.
- "Mais... c'est quoi ???"
- "Un diablotin voyons ! Tu en tires une tête petit prince ! Tu es trop drôle !"


Il chercha un regard sous le tissu grillagé, mais n'en trouva aucun auquel se raccrocher. Quand la créature revint, c'est d'une main dont il ne maîtrisait guère les tremblements qu'il s'empara de la corne tendue. Malgré sa soif, il avala difficilement. La sentinelle, puisque c'en était une, n'eut pas besoin de lui demander de regagner sa couche tant il s'empressa de se mettre hors de portée du monstre dont il ne pouvait s'empêcher de douter de la parfaite domestication.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:13

Chapitre X - Jeu de dupes


Quand il s'éveilla de nouveau, le ciel était haut dans le ciel. A peine le jeune garçon eut-il écarté les rideaux de laine que la sentinelle s'arrêta dans sa course pour lui intimer en silence l'ordre de se taire et d'approcher. Impossible pour l'enfant de dire s'il s'agissait de la même personne que cette nuit car elle était couverte de la même burka qui avait été noire autrefois, gris sombre aujourd'hui. Soudain le chant du muezzin résonna par dessus les toits écrasés de soleil. Immédiatement la femme déroula une natte aux couleurs passées et invita d'un geste l'enfant à s'agenouiller à ses côtés.

Il appréciait ces moments de calme où la vie suspendait son cours. C'était l'occasion de mettre ses pensées de côté et il y puisait une sérénité comme on boit à une source fraîche. Ces quelques instants passèrent trop vite, mais suffirent à l'éveiller entièrement.

- "Tu sens le bouc mon grand."

Il ne s'agissait pas la même femme : la voix était différente et les mains aussi, plus âgées. Elle parlait avec douceur et fermeté et le guida en le prenant par les épaules avec une forme d'aisance qui teintait ses agissements de douceur maternelle, même si c'était un bien grand mot. Elle lui montra l'endroit où elle lui laissa le loisir de procéder à quelques ablutions. Il commença par boire à grandes gorgées l'eau qui jaillissait du mur et qui semblait presque fraîche dans la chaleur ambiante.

"Il faut que tu sois propre pour aller voir l'Ancienne. Tu dois avoir grand faim aussi, non ?"
- "Oh oui..."


C'était un cri du coeur car son estomac gargouillait de façon assez peu discrète en vérité. Après avoir ri de cette exclamation, ce qui fit sourire le garçonnet en retour, la femme le conduisit ensuite aux cuisines pour le laisser dévorer tout son saoul, ce qui ne fut pas peu dire tant il se sentait une faim d'ogre. Elle avait l'air gentille et lui parlait avec douceur, découpant pour lui de larges tranches de ce pain aux épices qu'il disait préférer et sur lequel elle étalait une large épaisseur de miel. Il engloutit encore quelques dattes fraîches avant qu'elle ne le conduise enfin, repu, dans un dédale de couloirs.

Leur course s'acheva devant un double rideau de perles flanqué de deux autres femmes couvertes de noir, les reins ceints d'un cordon d'argent. Elles les laissèrent entrer après avoir échangé quelques mots.

A l'intérieur la lumière était douce, tamisée entre les volets percés de longues séries de petits trous aux formes géométriques qui jetaient sur les murs leurs motifs gracieux. Au delà de la marche et des colonnades qui coupaient la pièce en deux, la vieille Reine achevait d'enfiler un manteau de tafetta pourpre avec l'aide de ses dames de compagnie. Saïdan observait en silence, les mains jointes sur ses lèvres comme si elle réfléchissait intensément, sans un regard pour sa jeune disciple qui mimait ses gestes avec application.

- "Maîtresses, il est prêt, lavé, nourri."
- "Approche petit prince" lança la reine en se composant une expression sereine et affectueuse.


Tsion'hebb lança un regard à la femme qui l'avait accompagné, mais celle-ci le poussa doucement en avant et c'est donc seul qu'il s'avança auprès de la vieille femme qui lui jetait des regards attentionnés.

- "Comme je suis heureuse de te voir enfin remis mon enfant."

Elle lui ouvrait les bras mais quelque chose retenait l'enfant, une chose indicible, une impression de duplicité qu'il ne s'expliquait pas. Néanmoins il ne pouvait offenser ouvertement cette vieille dame qui ne lui avait rien fait et se laissa donc étreindre en faisant de son mieux pour ne pas paraitre trop raide. L'étreinte des doigts osseux sur ses bras n'était pas douloureuse, elle était juste... froide.

"Ton père est très inquiet. Il sera tellement soulagé lui aussi. Comment te sens-tu ?"
- "Ca va."


Elle ébouriffa les cheveux, le regard dans le sien, inquisiteur.

- "Tu as été soumis à des forces occultes qui ont mis ton corps à l'épreuve. Nous avons dû réparer tes blessures avec beaucoup de patience, reconstituer ton corps d'éther fil à fil. J'espère que tu t'en rends bien compte jeune homme ?"

Un frisson presque imperceptible lui parcourut l'échine, puis soudain son regard d'enfant brilla de reconnaissance. Les petits bras se nouèrent autour du cou de la vieille reine qui le garda d'y mettre trop de force d'un petit cri plaintif.

"Oh, doucement mon garçon." sourit-elle, amusée par cet élan. "Nous allons partir, va donc nous attendre dans la cour. Accompagne-le Ezbeth."

Se redressant douloureusement, la sorcière attendit encore quelques instants que le rideau de perles cesse sa danse langoureuse avant de croiser le regard de Saïdan et de sa jeune apprentie qui affichaient la même ride soucieuse en travers du front :

- "Il simule."
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:14

Chapitre XI - Préparatifs de mariage


Cela faisait des années que le jeune Tsion'hebb n'avait pas vu ses grands-parents. Aussi quand les guetteurs signalèrent l'approche d'une caravane venant de l'ouest, il fit des bonds de cabri qui l'amenèrent jusqu'aux abords de la palmeraie dans une course effrénée à laquelle d'autres enfants s'étaient bien vite joints.

Les tractations pour le douaire s'étaient faites dans la discrétion mais les démarches n'avaient pas échappées aux yeux curieux du garçon qui circulait fréquemment entre les deux grandes maisons, celle de son père et celle de sa future belle-mère. La seule question qu'il s'était longtemps posée était celle de savoir s'il allait s'agir d'un mariage caché ou d'une vraie cérémonie comme il en avait déjà vues quelques-unes et qui mettaient des étoiles dans les yeux et plein de mots dans la bouche des femmes. Mais depuis qu'il avait appris d'une indiscrétion d'un uléma qu'il verrait bientôt son grand-père, il avait compté les jours un à un.

- "Père ! Père !"

Saisissant l'enfant sous les aisselles, un membre de l'escorte le souleva à hauteur du vieil homme qui l'accueillit, raide et poussiéreux comme un cavalier qui venait de faire une longue route. La selle noire damasquinée en fils et pointes d'agent semblait si haute à l'enfant que le camp en paraissait plus petit et qu'il en concevait un certain vertige mais tellement de fierté qu'il jubilait et, au final, ne voyait pas grand chose sinon une foule bigarrée et joyeuse qui rendait la progression de plus en plus difficile.

Sous les acclamations des gens qui riaient et chantaient, ravis de l'animation et de la visite du vieil roi, le cavalier fit agenouiller son vaisseau du désert et descendit avec l'enfant qu'il poussa devant lui entre deux rangées de soldats qui leur frayait un passage dans le tumulte.

- "Par la barde des prophètes, que c'est loin chez vous mon grand ! Et comme tu as grandi ! Tu es beau et fort maintenant !"
- "Et je sais faire des tours !"
- "Ah oui ? Quel genre de tour ?" rit le vieil homme tout en défaisant un turban qui semblait n'avoir pas de fin tant il faisait de tours. Il avait le visage aussi ridé qu'une vieille pomme et la peau couleur d'un bronze ancien, patiné par le temps. Il tendit son étoffe à une femme qui se hâta la plier à sa façon tandis qu'une autre le débarrassait de son manteau brodé d'or et du lourd cimeterre d'apparat qui pendait en bandoulière. Il ne conserva, sous la large ceinture au rouge éclatant qu'un poignard à l'étui constellé de petites pierres qui lançaient comme des clins d'oeil leurs reflets multicolores.

- "Je sais faire des sorts et même appeler un diablotin ! Il s'appelle Jubbis ! Il est rudement bête mais il me fait rire ! Il râle tout le temps !"
- "Et si tu voulais bien laisser notre hôte s'installer Tsion'hebb ?"

C'était la voix de son père, tellement semblable finalement à celle de son grand-père qu'il en fut troublé une seconde. Il vécut la suite comme un tourbillon de visages, d'émotions, d'enthousiasme qui le ravissait. A l'extérieur les porteurs d'eau désaltéraient l'escorte qui s'installait chez l'habitant pour les quelques jours de festivité. L'euphorie était partout... à l'exception du palais de Tiamnat.

Pourtant là aussi régnait une activité intense, assimilable à celle d'une ruche qu'un indélicat aurait bousculée. Les marchands se succédaient, proposant étoffes précieuses, fleurs innombrables, parfums, épices, encens et quantités de marchandises, parfois reçues et payées, parfois éconduites. A l'intérieur les femmes travaillaient ardemment à coudre les atours de la reine, à lui constituer un décor de fête digne des plus beaux mariages des tribus. Mais dans le secret relatif d'une chambre au large balcon protégé du soleil par de lourdes persiennes, la haute reine éclatait de rage :

- "Qui lui a appris ?!" rugit la sorcière sur un ton plein de fiel.
- "Son instructrice ma reine. Elle assure n'avoir pas donné elle-même à l'enfant la clé du savoir obscur."
- "Elle ment ! Elle ment !"

- "Nous l'avons longuement questionnée. Il n'a visiblement pas eu de facilité particulière, juste une grande curiosité et l'esprit vif mais rien d'exceptionnel."
- "Amenez-la moi immédiatement !"

Il n'était pas question de contredire cet ordre, mais quand elle posa un regard plein de haine sur le corps nu et souillé de la femme qu'on venait de jeter à ses pieds, la reine comprit bien vite qu'elle n'en tirerait rien de plus. Elle se contenta de se pencher vers le visage terrifié, saisit le menton entre ses doigts et prononça à voix basse des mots d'infamie qui eurent raison de la conscience de la victime. Elle se contorsionna un moment dans d'horribles spasmes avant de s'effondrer, inerte.

- "Alors il y a toujours quelque chose qui nous échappe et je veux savoir quoi ! Je veux le savoir ! je le veux ! Tu m'entends Saïdan ? JE LE VEUX !"
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:15

Chapitre XII - Contact


Yashmeena était hypnotisée par ce déferlement de violence. A n'en pas douter elle en ferait des cauchemars pour plusieurs nuits. Elle ne se rendit compte qu'avec retard qu'elle était en train de martyriser la robe de sa maîtresse qui détacha la petite main avec un geste agacé.

- "Tu étudieras avec lui. Tu ne le quittes plus, pas un instant tu m'entends ?"

L'apprentie hocha la tête, les yeux grands ouverts comme pour s'ancrer dans la réalité. Une gifle vint immédiatement lui cingler la joue en guise de rappel à l'ordre.

- "Oui maîtresse !" gronda Saïdan.

Par chance la gifle n'avait pas eu de témoin sinon les deux femmes qui frottaient le sol pour en effacer les traces de sang à l'endroit où la maudite avait été étendue quelques instants auparavant. La joue lui cuisait mais Yashmeena s'interdit d'y toucher pour ne pas se prendre un nouveau coup.

- "Oui maîtresse."
- "Trouve le dès à présent, ne perds pas un instant. Laisse ici ta robe de disciple et va en enfiler une autre. Je te trouverai pour que tu me dises ce que tu remarques. C'est bien compris ?"
- "Oui maîtresse."
- "Sais-tu ce que tu cherches ?"
- "Je dois comprendre d'où il tient son Art car on ne lui a pas enseigné."
- "Très bien. Disparais maintenant."


La disciple n'attendit pas pour s'éclipser, ne faisant qu'un rapide passage dans l'alcôve qui lui servait de chambre pour y déposer sa robe grise et se glisser dans une djellabah plus classique. Un jour elle aurait droit à la burka, dès qu'elle aurait l'âge prescrit et surtout le talent dans l'Art. Elle avait hâte d'une certaine façon d'accéder à ce signe de reconnaissance. Après un tour aux cuisines au milieu de l'incroyable ballet d'artisans et de fournisseurs elle sortit enfin de la demeure de la reine avec une grosse grappe de raisins de Désolace en poche et un de ces petits ananas d'Isbelam qu'elle adorait.

Trouver le jeune prince ne fut pas la plus aisée de ses tâches. Yashmeena aurait bien fait appel à un talent pour l'aider mais il y avait tant d'animation en ville qu'elle craignait de se perdre ou de passer à côté de celui qu'elle cherchait sans le voir. Ses pas l'amenèrent d'abord dans la maison du cheik mais là aussi tout le monde était fébrile et on ne lui permit pas d'accéder où elle le désirait. Sans en avoir reçu la directive formelle, elle préférait jouer de discrétion.

C'est au moment de sortir qu'elle l'aperçut enfin, sur une petite place qui ressemblait presque à une cour encombrée de caisses et d'emballages, vides ou encore à décharger. Le soir tombait et le jeune Tsion'hebb mimait un combat de sabre avec un groupe de camarades au sein desquels elle reconnut deux autres jeunes princes comme lui. Elle resta un moment à les observer mais finit par se sentir mal à l'aise et un peu obligée de s'intégrer si elle ne voulait pas être interpellée par une question directe qui aurait pu la mettre en difficulté.

- "C'est pas des vraies batailles ! C'est des épées en bois." fit-elle remarquer en désespoir de cause en ramenant ses cheveux noirs d'ébène derrière l'oreille pour se donner une contenance.

- "On n'a pas le droit d'avoir des vraies !"
- "Et t'es qui toi ?"
- "C'est une fille ! Tire-toi, tu sais pas faire la guerre."
- "Ca sera quoi une vraie bataille, toi qui sait tout ?"


Elle recula un peu sous l'avalanche de questions qui présentait toutefois un avantage : elle n'avait pas besoin de répondre à l'une en particulier en ignorant les autres.

- "Voulez-vous vous battre contre un vrai ennemi ?"
- "De quoi tu parles ?"
- "Un diablotin."
- "Un diablotin ? C'quoi ça ??"
- "Mouahahaha ! Elle invente des trucs, t'es nulle ! Casse-toi !"
- "Non j'invente pas !"


Ils ricanèrent de plus belle, moqueurs, certains se détournant déjà pour entamer de nouvelles batailles à deux sans lui accorder plus d'attention. Un autre voulait la chasser à coups de pied mais elle esquivait en le repoussant de ses mains et il n'osait pas la frapper autrement. Un dernier l'observait étrangement : Tsion'hebb.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:16

Chapitre XIII - Du soufre dans l'air


- "Arrêtez, laissez la."

Elle lissa sa robe machinalement en s'éloignant encore de quelques pas du groupe vindicatif, s'approchant d'un pas aussi détaché que possible, mais finalement un peu raide, de celui dont elle avait réussi, bon gré mal gré, à attirer l'attention.

"Tu es une suivante de Tiamnat, je te reconnais." lança le jeune fils de cheik.
- "Je te réponds si tu bats un démon."
- "Tu réponds si je te le dis."
- "Alors là tu rêves ! J'ai pas d'ordre à recevoir de toi, t'es pas mon mari ni ma maîtresse !"


Elle haussa les épaules avec un air bravache.

- "D'accord alors... vas-y si t'es si forte."
- "D'accord !" rétorqua-t-elle.
- "Ouais, on va l'dresser ton diable ! On va tuer la Légion !"
- "Héhéhé, on va l'pouiller !"
- "Wé need OS loot T6 ki roxx go PvE noooooob !"
- "Ta gueule Rib'ahn."
- "Moi j'suis Raclure-d'Os ! J'l'écrase !"


La petite bande s'était agglutinée et se pressait pour bien voir cette fille étrange aux grands yeux noirs qui défiait les garçons au lieu de rester dans les jupes des filles.

- "Amène le ton diablotin ! On va le déboiter !"
- "C'est lui qui va l'invoquer." répondit-elle en désignant Tsion'hebb d'un air effronté, lequel piqua un fard immédiatement. "Sauf s'il a peur de le faire..."


Un long flottement parcourut la petite assemblée. Puis les mots de Tsion'hebb semblèrent déchirer l'air et la substance même de l'atmosphère, générant une lueur violette que ses mots et ses gestes précis semblaient ordonner en motifs vifs qui tournoyaient lentement. Au coeur de ce tourbillon de lumière, un point grossit à vue d'oeil, sorte de fumée parcourue de flammèches qui se matérialisa enfin dans un concert de couinements vociférants.

- "Raaaah ! Encore les p'tits bandits ?!"

Yashmeena n'attendit pas pour lancer un trait d'arcane pure entre les deux cornes, pas bien puissant, elle en était consciente, mais largement assez pour l'étourdir et le rendre agressif.
- "Tue les !" hurla-t-elle à la créature désorientée.

Immédiatement deux agresseurs s'égayèrent dans les ruelles. Deux autres étaient figés, la bouche ouverte, et n'en croyaient pas leurs yeux. Restaient quatre qui serraient nerveusement les doigts sur leurs gourdins en forme de dague ou de cimeterre, rien moins que rassurés.

Tsion'hebb n'avait jamais combattu, ni cette créature ni aucune autre. Il était complètement déconcerté par ce qui se passait sans vraiment savoir quoi faire. Les bagarres étaient chose fréquente et il n'avait jamais franchement rechigné à cogner un petit copain mais il n'avait pas vraiment goût non plus à ce genre d'exercice. Il n'aimait pas avoir mal et n'appréciait pas non plus de se battre sans raison. Mais il n'eut pas vraiment à se poser de questions car le temps de se ressaisir, un cri déchira la placette : le diablotin venait de projeter une boule de magma en pleine poitrine d'un garçonnet qui venait de s'effondrer de l'autre côté d'un muret. Si l'un des deux ébahis restait sur place avec un air encore plus stupide, l'autre prit la fuite, ainsi que deux encore. Ils n'étaient plus que trois quand Tsion'hebb trouva refuge à l'abri d'un angle de maison. Que pouvait-il bien faire ? Ce démon n'était-il pas censé obéir ? Un coup de cimeterre en bois allait-il l'étaler ? Difficile à dire mais ça devrait le secouer assez pour que son incantation de feu ne finisse pas à temps. Jetant un oeil par delà le coin de mur, il vit que le diablotin se dirigeait vers des barils derrière lesquels un autre camarade s'était réfugié. Mais le diablotin ne poussa pas son avancée jusque là. La créature perverse se contenta d'invoquer à nouveau une boule de feu qui fit basculer lentement les barils dans un fracas épouvantable. Au moins trois ou quatre d'entre eux libérèrent leur contenu de grain qui se répandit dans la poussière. Un enfant étourdi se redressait péniblement quand le diablotin commença une incantation pour en finir.

- "Laisse le !" cria le jeune démoniste en utilisant les mots de pouvoir de son mieux.

La créature se figea en le regardant. Il n'était pas son maître et n'avait aucun droit sur lui, si ? non ? Non mais quel toupet ! Immédiatement il reprit son incantation dont le produit enflammé alla s'abattre dans le ventre de l'impudent. Victoire !!! Le diablotin chercha la gamine des yeux. Elle était là, marmonnant des paroles dont il sentit immédiatement la morsure sur son essence : elle le congelait ! Après ces bons services ! Quelle hérésie !

- "Tu ne peux pas, ça ne fonctionne pas comme ça." lança-t-il, énervé. "Tout ce que tu vas réussir à faire c'est à te faire déchirer avec une explosion de vide. Faut pas me jeter du froiiiid !!"
- "Tu mens !" rétorqua-t-elle.
- "Pardon ?!"
- "Tu mens, je connais la formule !"
- "Ah ouais ? Bah en attendant tu l'as interrompue ! Et par dessus le marché ma contrainte est sûrement corrompue ! Faut jaaaamais enlever la sécurité avant l'arrêt compleeet !"


Le ton joyeux de la créature était de mauvais augure. Le souffle coupé, Tsion'hebb se mit à genoux, la main poisseuse du sang qui coulait sous sa bure trouée par les flammes. Il se sentait nauséeux, la tête bourdonnante et n'avait qu'une envie : fuir.

"Tu m'excuseras gamine, je commence par ton p'tit pote. Il en veut encore !"

Yashmeena restait sans voix, paniquée de l'erreur relevée et des conséquences qu'elle laissait entrevoir. Elle aurait voulu marmonner quelque chose mais les mots se bousculait en désordre dans son esprit et les heures d'exercice de concentration étaient... totalement hors d'atteinte. L'incantation du diablotin passa comme dans un rêve et, immanquablement, l'énergie s'accumula entre les doigts griffus avant de jaillir à la vitesse d'une flèche pour frapper le jeune rebelle en pleine face.

Il serait certainement tombé effondré si une bulle de lumière ne l'avait pas enfermé dans sa protection brillante.

Fatou ! La jeune fille disparut immédiatement derrière un muret et courut en faisant claquer ses pieds nus sur les pavés grossiers. Tsion'hebb n'avait pas d'arme, seulement cette boule d'ivoire à jeter et sur laquelle ses doigts venaient de se refermer machinalement. De toutes ses forces il la lança en direction du diablotin qui grommelait des jurons où il était question d'incroyable gâchis d'avoir interrompu de façon inadmissible une mise à mort presque parfaite.

Le projectile l'aurait sans doute atteint, peut-être sonné, mais à l'instant de lâcher la boule, les doigts du jeune apprenti dans l'Art refusèrent de s'ouvrir. Pour autant la frappe était précise : un nuage noirâtre jaillit du poing fermé et sembla s'enrouler comme une étoffe aux fibres ténébreuses autour du diablotin qui s'effaça de la réalité comme on souffle une bougie, ne laissant rien derrière lui que quelques traces de brûlé dans la poussière de la placette que le vent effaçait déjà.

Yashmeena s'était enfuie.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:17

Chapitre XIV - Influences


Au cœur de l'oued, les festivités s'étaient enfin calmées. L'heure du repos avait sonné pour tout le monde, surtout pour le jeune prince qui avait tenté de masquer au mieux les brûlures infligées par le diablotin. Mais la douleur était vraiment trop forte et, incapable de trouver le sommeil, il avait fini par éveiller l'un des ulémas qu'il connaissait bien. Le saint homme, un prêtre expérimenté, l'accueillit assez froidement mais se fit plus dur encore quand il reconnut la nature de la blessure. Tsion'hebb crut un moment échapper au sermon mais son espoir fut de courte durée car même si les gestes de l'homme étaient doux au moment d'appliquer un baume antiseptique et cicatrisant sur la peau rougie à l'extrême, le ton était dur et condamnait sans appel l'enfant pour ses pratiques inconsidérées de l'Art.

Il ne l'avait pas volé et ne chercha pas à se dérober par des échappatoires douteux à la volée de bois vert qui lui tombait dessus. Le manque de prudence avait été la cause directe de ses misères et de celle de ses petits camarades. Même si le diablotin était très instable, très peu ancré dans le réel, le feu de ses sortilèges n'était pas moins féroce. D'ailleurs le jeune démoniste en herbe n'avait pas eu l'occasion de revoir ses camarades qui avaient tous eu la force de décamper mais il ne doutait pas que certains étaient atteints assez sérieusement.

La peste soit de cette fille. Il la retrouverait et... et quoi ? Elle lui rirait au nez évidemment. Il s'était fait berné comme le pire des crédules et se demandait encore comment il avait pu être aussi stupide. Il se morigénait ainsi quand une ultime prière acheva d'emporter la douleur. Il faillit toucher la couche de crème à l'odeur de palmes coupées mais la poigne ferme du saint homme l'intercepta :

- "Ne touche à rien. Laisse agir. Tu as assez fait de bêtises !"
- "Je n'ai plus mal."

Ça n'était pas tout à fait vrai mais la douleur décroissait rapidement et le jeune fautif n'avait aucune envie de s'appesantir sur ce dont il percevait bien la gravité.

- "Bien entendu, mais laisse un peu agir quelques minutes. Le mal est en train de se calmer mais si tu le réveilles, il sera très fâché."
- "C'est normal que je ne sente plus ?"
- "Pour l'instant oui, mais bientôt ça reviendra pour quelques heures seulement alors que ça aurait dû être pour des jours. Maintenant tiens-toi tranquille par le Grand Lumineux !"
- "Vous ne direz rien à mon père hein."

Le soigneur ne put retenir un sourire devant tant de naïveté. Pour autant il était vraiment inquiet des pratiques de l'enfant qui l'avaient amené à une blessure dont la gravité ne pouvait être passée sous silence. Il s'en ouvrirait au cheik car il ne pouvait manquer d'y voir un manquement important dans l'éducation prodiguée par la reine Tiamnat qu'il ne saurait dénoncer depuis sa petite position de prêtre qui ne lui donnait guère voix au chapitre.

"Il le saura jeune prince, je ne peux pas rester silencieux."
- "Non ! Il... il m'interdirait de continuer !"
- "Ca ne me regarde pas, la décision lui appartiendra."
- "Mais vous ne pouvez pas faire çà !"
- "Ah non ? Et par le sang des vierges d'Arsham, qu'est-ce qui m'en empêche ?"
- "Je refuse."
- "Voyez vous ça."


Dans les profondeurs de la djellaba, les mains de l'enfant s'étaient refermées sur la boule d'ivoire dont personne ne pouvait distinguer, au creux du vêtement, les coulures d'ombre qui semblaient en suinter comme sous la pression des doigts sur les runes ténébreuses.

Le prêtre allait se fâcher, mais à son esprit jaillit avec force l'idée terrible d'un châtiment que la reine Tiamnat pourrait lui faire subir si jamais elle venait à apprendre que c'est lui qui... il frémit à l'idée des tortures horribles dont la vieille reine était présumée capable. Des images de cadavres particulièrement difficiles à identifier qu'on avait parfois découverts aux abords du palais de la sorcière lui revenaient avec une précision proprement terrifiante, des détails qu'il croyait enfouis s'exhumaient à la chaîne des profondeurs de sa mémoire au point qu'il en attrapa une sueur froide. Il se remit un peu précipitamment sur ses pieds en se saisit les mains pour les empêcher de trembler devant l'enfant. Il lui fallut quelques instants pour que la désorientation prenne fin tant il se sentait au bord d'une forme de panique intérieure.

- "Repose-toi ici jusque... jusqu'au jour" parvint-il à lâcher d'une voix mal assurée en emportant avec lui la lampe à huile qu'il peinait à ne pas renverser.

L'enfant s'allongea sur la natte, les yeux grands ouverts dans le noir.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:18

Chapitre XV - Quelque soit le prix.


Au sein de son palais, la vieille reine Tiamnat ne dormait pas mieux. De toutes façons elle ne se souvenait plus, et depuis bien longtemps, de sa dernière nuit d'une traite, si toutefois ça lui avait été permis un jour. Les considérations stériles se bousculaient dans sa tête en un vaste chaos improductif mais dont la violence ne lui autorisait aucun repos. Autrefois cette façon de cogiter lui apportait une forme de réconfort morbide dans lequel elle se complaisait car elle avait appris à y puiser une sorte d'énergie qu'elle réemployait dans la pratique de ses rituels ou qui lui permettait, une fois bien canalisée, d'atteindre des états de concentration difficilement accessibles aux meilleures praticiennes de l'Art. En cet instant elle en était simplement victime.

Ainsi l'enfant s'était rendu maître d'une orbe de Néant. La description de la petite Yashmeena ne laissait guère de place au doute mais il existait un nombre si restreint de ces artefacts que la sorcière ne parvenait pas à comprendre comment l'un d'eux avait été si longtemps à portée de sa main sans qu'elle le sache.

Cette révélation expliquait bien de choses, à commencer par la façon dont le jeune prince s'était relevé si vite de blessures de Néant qui auraient dû lui déchirer l'essence vitale au point de le laisser avec d'importante séquelles. Elle avait même douté de pouvoir les circonvenir. Mais la guérison avait été miraculeuse et elle doutait finalement que ses soins aient vraiment beaucoup aidé. Or, si le cheik venait à l'apprendre, nul doute qu'il la répudierait sur le champ. Il lui faudrait rapidement s'assurer d'autres atouts... parmi lesquels celui pour lequel elle se préparait dans la nuit.

- "Saïdan ?"
- "Oui maîtresse ?"
- "Ta petite Yashmeena dort-elle encore ?"
- "Le jour n'est pas encore proche de se lever maîtresse."
répondit la disciple avec déférence.

La reine maugréa. Offrir la petite espionne en sacrifice l'aurait assurément placée en bonne position auprès de leur contact en l'assurant, par la même occasion, de l'élimination complète de cette dernière. Mais si par ailleurs elle la faisait éveiller en pleine nuit au cœur du palais, sa disparition consécutive poserait immanquablement des questions nuisibles.

"Ma reine... est-il bien opportun de maintenir ce rendez-vous le jour de vos noces ?"
- "Je ne puis m'y soustraire. La magie qui le masque n'est efficace que lorsque la lune est noire."
- "Sans doute conviendrait-il de lui offrir un présent ?"


Les lèvres de la reine s'ourlèrent d'un sourire fourbe. Pauvre Saïdan... quelle naïveté parfois.

- "Choisis donc dans la cassette d'ébène un bijou à ta convenance ma belle, et mets le en valeur, qu'il le trouve à son goût."

L'apprentie s'apprêta, changea sa burka pour un voile léger qui laissait deviner les traits fins de son visage, affina l'arc racé de ses sourcils et de ses yeux qu'elle renforça d'un trait de couleur. Elle se présenta ensuite devant sa reine qui rectifia un peu la tenue, remplaça la pelisse par une écharpe de soie et ouvrit un peu plus le décolleté au creux duquel brillait l'ambre précieuse. Les doigts de la sorcière s'attardèrent sous le voile, sur la joue veloutée et les lèvres fardées de la jeune femme, et quand leurs regards se croisèrent Saïdan crut se sentir mal car elle craignait de comprendre l'étendue de ce que sa maîtresse attendait d'elle.

La course dans le désert la revigora un peu après une longue marche dans des souterrains humides et étroits dont les torches peinaient à dissiper les ténèbres. Rapidement elles avaient dépassé la limite des maisons de la reine pour s'engager plus loin encore et déboucher enfin dans la nuit sans lune au creux d'une combe où les chevaux piaffaient d'impatience. Les montures étaient nerveuses, peu enclines à progresser rapidement dans une telle obscurité au cœur de laquelle elles savaient risquer des foulures ou pire encore. Mais leur dressage avaient été affaire de connaisseur et bientôt un feu de camp apparut au loin, noyé entre deux dunes. Dans la flaque de lumière, deux silhouettes, un gobelin et un ogre, se redressèrent dès qu'elles perçurent les pas des chevaux.

- "Un'n gotha !" salua l'ogre.
- "Lumière sur vous" répondit la reine tandis que le gobelin, lui, s'inclinait dans un craquement au point que ses oreilles effleurèrent le sable gris.

Les deux femmes mirent pied à terre et s'avancèrent pour prendre place auprès du feu et partager le thé au goût étrange que le gobelin avait préparé. Saïdan en profita pour observer à la dérobée cet ogre auquel vers lequel elle se sentait poussée. Aucun doute sur sa malfaisance et son absence d'imagination : si la magie lui permettait de dissimuler son apparence humaine, sa clairvoyance n'était pas allée jusqu'à lui suggérer d'abandonner leur langue pour ce rendez-vous ni les usages grossiers de cette race. Rien ne masquait non plus son odeur piquante à trois pas.

- "L'orbe fonctionne parfaitement avec les modifications que vous avez suggérées, ô puissante reine du désert, perle des sables et splendeur des oueds, noble praticienne dont les étoiles chantent les louanges."

La reine répondit au gobelin à la voix nasillarde par une ébauche de sourire à peine condescendante. En guise de démonstration l'ogre redevint homme dans un nuage de poussière arcanique avant d'engloutir d'un trait la tasse de thé dont les proportions étaient redevenues raisonnables dans sa main. Il conclut en éructant bruyamment avant de se plaindre que la métamorphose lui donnait des gaz.

- "Ces suggestions m'ont coûtées assez cher, Xxalitik, et je crois bien que votre entremise y a ajouté une part non négligeable. Avez-vous ce que vous nous avez promis ?"
- "Mouarf ouais !"


L'homme se releva pour faire quelques pas vers les dromadaires allongés plus loin et extraire des fontes de l'un des animaux un paquet de fripes nouées dans une ficelle grossière. Sans façon il jeta le colis aux pieds de la sorcière.

"Ma part." lança-t-il avec un regard torve et un sourire grotesque à l'adresse de Saïdan.
- "La tienne" répondit la reine sans un regard pour sa disciple, à peine un mouvement de tête pour désigner la "récompense".

Avec un gémissement douloureux, la vieille reine se pencha pour tirer à elle le colis tandis que Saïdan se redressait, aussi fière que possible. Elle sentait courir sur elle le regard lubrique du bandit aussi sûrement que si elle avait été offerte nue à la lumière du feu ou mise en vente au marché aux esclaves de Gadgetzan. L'homme se leva et vint crocheter les bords du décolleté avec ses ongles crasseux pour déchirer brutalement le haut du vêtement. La démoniste cilla à peine sous l'outrage, ignorante des flammes et des doigts sales qui jetaient sur son buste découvert des ombres lubriques. Elle se saisit de l'ambre précieuse et l'exposa au creux de sa main au regard de celui qu'elle méprisait de toute son âme.

L'individu hésita, partagé entre l'attrait des formes pleines et le bijou précieux. Sans façon il la détailla un bref instant, cracha dans le sable, puis arracha le collier d'un cou sec avant d'attraper le poignet de la jeune femme pour l'entraîner un peu plus loin. Elle le suivit en se gardant bien d'afficher la moindre émotion.

La reine, quant à elle, extirpa de sa ceinture un poignard à lame courbe avec lequel elle dégagea précautionneusement l'objet de sa convoitise. Un éclat métallique apparut au creux du tissu sale puis bientôt l'objet se révéla en entier, façonné dans un bronze rutilant : il s'agissait d'une sorte de petite cage finement ouvragée qui s'ouvrait selon un dispositif complexe pour libérer une fiole au cœur de laquelle s'épanouissait une fleur aux longs pétales pourpres, presque noirs, à l'abri de l'écrin de cristal. Les yeux du gobelin brillèrent de convoitise mais le regard incisif de la reine mit un terme immédiat à cette lueur déplacée. Le lotus était inimitable et les vertus de celui-ci n'échappaient ni à l'un, ni à l'autre. La sorcière afficha un sourire mauvais.

Un cri dans le désert signa la signature définitive de l'accord. Le gobelin tressaillit mais il n'avait jamais vraiment douté de l'issue. Il se hâta de prendre congé de sorte que lorsque les premiers rayons du soleil léchèrent le sommet des dunes, il ne restait guère de traces de l'entrevue sinon une nuée de charognards qui entreprenaient un nettoyage en bonne et due forme.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:18

Chapitre XVI - Un coup trop loin.


Parmi les préoccupations de la vieille reine cette nuit là... celle qui concernait ces femmes, habillées en vêtements d'homme d'un noir profond, surentraînées et parfaitement équipées. Au cœur de la nuit elles s'étaient réunies dans les profondeurs du palais pour s'apprêter et partager un dernier moment de calme autour d'une pipe à eau qui, pour l'occasion, avait été chargée du haschich à l'odeur âcre mêlé à l'opium savamment dosé.

Sans un mot, sans un bruit, elles s'engagèrent dans les ruelles, ombres parmi les ombres. Leurs semelles de feutre épousaient les pavés et les dallages dans un silence presque parfait. On ne distinguait qu'à peine les infimes froissements de leur course furtive et le crissement des congères de sable trop larges pour être enjambées. Pas un chien ne leva la tête en cherchant l'origine de ce souffle d'air qui semblait n'avoir ni origine ni destination. Une patrouille fut repérée très en amont de sorte que rien n'accrocha le regard des soldats. Ils continuèrent leurs discussions à voix basse sans le moindre soupçon, ignorant tout de ces femmes amies des ombres qui se jouaient de leurs sens. Une forme s'arcbouta au bas d'un mur, une autre lui grimpa immédiatement sur les épaules et les deux autres escaladèrent en souplesse l'échelle humaine improvisée de sorte à atteindre le toit d'une petite bâtisse que rien ne distinguait vraiment des autres.

Un instant l'une des formes vérifia que l'intrusion avait été parfaitement discrète avant d'adresser un signe positif aux autres. Les deux qui étaient le long du mur contournèrent la maison pour se disposer de part et d'autre de l'unique porte tandis que celles qui étaient grimpées sur le toit s'avançaient jusqu'au bord de la trappe d'accès à la terrasse : elle était ouverte et l'échelle n'en était même pas retirée. Invisibles comme deux ombres elles se coulèrent à l'intérieur avec une agilité presque irréelle. La porte d'entrée s'entrebaîlla à peine une minute plus tard.

Pas un cri, à peine un sursaut ; La vieille femme ne comprit rien à ce qui lui arrivait. Elle n'aurait sans doute conservé aucune mémoire de cette petite boulette au goût âcre qu'on l'avait forcée à avaler ni des mains gantées qui l'avaient immobilisée, bâillonnée et aveuglée avec beaucoup de soin. Elle ne se serait même plus souvenu des questions qu'on avait pu lui poser. Tout ce qu'on savait c'est qu'elle ne s'était pas levée aussi tôt que d'habitude ce matin là. Les voisins, inquiets, finirent par la retrouver morte dans son lit et personne ne s'en étonna. Elle avait beaucoup vécu et son âme irait à la Lumière car elle avait rempli tous les devoirs des croyants et s'était montrée généreuse, très habile dans son métier d'accoucheuse si bien que nombre d'enfants des tribus lui devaient la vie, particulièrement le petit "fils de tempête" qui avait toujours tenu une place particulière dans son cœur. Les gens s'émurent de ce que son chat soit mort également mais une telle solidarité animale attira plus de compassion que de soupçons et l'heure était à la fête : la tristesse attendrait le bon vouloir des prêtres.

La petite Jamina hésita en portant la nouvelle à l'entourage du cheik. Elle avait hésité sur sa tenue, sur sa coiffure. Mais c'était son devoir car sa grand-mère n'avait pas d'autre famille. C'était également indispensable car le cheik lui-même devait prononcer l'héritage de sorte qu'elle ne se trouve pas démunie. Elle ne s'était pas attendu à ce qu'il la reçoive en personne, surtout en ce jour où il avait tant à faire. Elle avait été surprise également qu'il s'en trouve aussi affecté, puis stupéfaite qu'il lui offre un cadeau si somptueux : une parcelle de terre prise sur son domaine propre. Elle était jeune, certes, mais mesurait la valeur du présent avec une justesse aigüe. Cela ne remplacerait pas sa grand-mère, mais au moins pourrait-elle se joindre aux pleureuses sans avoir à se soucier de son propre avenir. Dehors la fête battait son plein.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:18

Chapitre XVII - Noces de sang


L'annonce de l'arrivée de la reine était un événement en soi. Les rues bruissaient d'impatience, animées de chants, de danses, de cris joyeux. Cracheurs de feu, charmeurs de serpents et autres jongleurs occupaient chaque placette ou bout de ruelle. Partout régnaient la fête et l'abondance. Les réserves du cheik, ouvertes pour l'occasion, assuraient pour tous, du plus riche au plus démuni, une semaine de générosité et de fraternité sans compromis. La liesse populaire était réelle et sincère, oublieuse pour un temps des discordes et des tensions qui, immanquablement, opposaient parfois les tribus. L'heure était à la trêve joyeuse.

Depuis le milieu de la matinée les caravanes arrivaient des quatre coins du désert pour grossir encore les rangs des invités autant que de la foule bigarrée des fêtards, aventuriers ou commerçants. Soudain, alors que le soleil amorçait sa descente et que la vie reprenait ses droits, les grandes trompes de bronze résonnèrent à travers tout l'oued, annonçant le début de la procession de la reine Tiamnat. Chacun s'efforça de deviner l'itinéraire et de se ménager une place pour admirer la débauche de luxe et d'opulence qui signait ces unions de haut rang. Les rues et les terrasses se noircirent de monde en quelques instants : chacun était curieux de voir de ses yeux cette reine dont le pouvoir ne manquait de susciter la crainte ou l'admiration.

Précédée de toutes jeunes danseuses dont les grelots tintaient au rythme des cymbales et des trompettes, elle parut enfin, impassible sur son immense trône de cuir dont le dossier immense, constellé de perles, se parait de motifs brillants et de voiles chamarrés. Deux immenses démons aux couleurs vives portaient l'attelage d'un pas lourd, supportant le poids des diablotins musiciens et des succubes presque nues qui ondulaient lascivement et jetaient à la foule des nuages de pétales de rose. Puis venaient les suivantes, en phalanges silencieuses, vêtues de leur burka noire ceinte d'une cordelette d'argent ou d'or qui signait leur rang et agrémentée, pour l'occasion, d'une couronne de fleurs blanches, et enfin la marche des gros bleus qui tressautaient et battaient des mains en cadence en entrechoquant leurs bracelets rutilants : La foule était ravie, ébahie devant tant de magnificence.

Le cortège s'arrêta aux portes de la maison du cheik qui semblait bien petite pour contenir tant de monde. Les hommes de garde, en uniforme de parade à la blancheur éclatante, ouvrirent grandes les portes mais c'est le seigneur en personne qui descendit les marches de sa demeure. Il s'avança au devant de sa promise avec un sourire de circonstance, accompagné du prince Tsion'hebb et du Pacha Bedjemeth qui s'était déplacé en personne pour sceller le mariage. S'arrêtant au pied du trône somptueux, Tel'herzud tendit une main galante à la future épousée.

- "Ma promise..."
- "Mon époux..."
- "Pas encore, reine Tiamnat. Vous êtes bien impatiente."
- "Imbécile !"
siffla-t-elle suffisamment bas pour que lui seul l'entende.

Il faillit éclater de rire mais se contenta d'un sourire rayonnant non de bonheur, comme chacun l'imagina, mais de contentement pour sa petite pique qui signait combien il n'était pas dupe de toute cette mascarade.

Les démons s'évanouirent dans l'Ether une fois le trône disposé dans la cour, ne laissant que succubes et diablotins pour aider au service ou à l'ambiance de leurs charmes ou de leurs flûtes et tambourins. La foule s'amassait aux portes, gagnant même l'intérieur du jardin et escaladant les murs d'enceinte au grand dam des gardes qui ne savaient plus ou donner de la tête. Chacun aurait son tour pour admirer de près les mariés au cours de la longue procession qui suivrait la prononciation des vœux sacrés.

Les ulémas s'avancèrent et le couple écouta religieusement la parole de lumière troublée seulement par le bruit de l'eau qui s'écoulait dans le jardin.
- "Car ainsi l'ont voulu les prophètes et la tradition, vous confirmez, ô puissante reine, être libre de tout engagement pour recevoir notre bien-aimé cheik Tel'Herzud pour époux ?"
- "Je le suis"
confirma-t-elle d'une voix dénuée d'émotion.
- "Parce que devant le Grand Lumineux vous vous engagez, ô noble cheik Tel'Herzud, à traiter la reine Tiamnat avec les égards dus à une épouse ?"
- "Jamais !"


Le sabre glissa dans sa gaine avec une fluidité presque irréelle et décrivit un arc quasi parfait avant que la lame d'acier d'Ahn-Qiraj ne vienne décapiter d'un seul coup la future mariée. Une gerbe de sang carmin s'écrasa sur les toges immaculés des prélats tandis que le corps s'effondrait sur les dalles de marbre.

"Je crache sur les assassins et leurs familles."
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:19

Chapitre XVIII - Graines de chaos


Il y eut un instant de flottement, comme si personne n'arrivait à réaliser ce qui venait de se passer, puis une femme cria, une autre, et en quelques instants le chaos fut total.

Saïdan, reprenant ses esprits, poussa derrière elle la petite Yashmeena avant de prononcer coup sur coup d'effroyables imprécations sur l'assassin qui vacilla sous les coups pour disparaitre au milieu de ses hommes. Les démons jaillissaient ici et là pour protéger leurs maîtresses et les armes sortaient des fourreaux, en réponse ou préventivement. La garde du pacha tailla sans ménagement une route au milieu de la demeure, bousculant serviteurs et invités pour dégager un espace dans lequel un mage ouvrit un portail par où toute sa suite entreprit de s'engouffrer afin d'échapper à la vindicte qui s'annonçait. Les femmes de la sorcière, d'abord stupéfaites, se partageaient, folles de rage ou d'effroi et éloignaient par tous les moyens la foule du corps de leur reine sous la houlette de la première d'entre elles.

- "Tu ne vivras pas longtemps, Tel'Herzud fils d'Ashakir ! Par le sang des vierges du Tialbajz, je te maudis ! Je te maudis toi et tous les tiens !"

La panique gagna la population qui refluait en désordre dans les ruelles. Les chants et les rires s'étaient tus, remplacés par les cris et les pleurs. Il n'y avait plus d'amis, plus de camarades d'un jour, seulement des créatures affolées qui fuyaient, se battaient pour un passage ou tombaient sous les traits d'ombre et les nuées de feu des mages et démonistes qui se taillaient une retraite au goût de sang.

A l'intérieur de la cour où le trône vide des mariés gisait, renversé, c'est le vieux roi qui avait pris la tête des opérations. D'une voix puissante que personne ici n'avait oubliée, il donna des ordres à la fois pour faciliter l'évacuation du pacha et pour porter secours à ceux qui souffraient. Dans sa main gantée de noir, il serrait celle de son petit-fils dont le regard hagard se portait au delà des jardins et des portes sur les ruelles dans lesquels son grand-père le menait, constituant et dirigeant avec sagesse de petits groupes de secours qui accueillaient, triaient ou accompagnaient les blessés ou étouffaient les flammes qui menaçaient d'emporter les maisons. Le chemin jusqu'au palais de la vieille reine était une balafre noire qui barrait l'oued de ses fumerolles nauséabondes qu'aucun ennemi ne devait apercevoir.

Accompagné d'une phalange de fidèles, le vieux cheik Ashakir mena enfin le jeune prince aux portes du désert. La nuit était tombée, recouvrant de ses voiles d'ombre la cité en ébullition. Une troupe de cavaliers attendait, armée de pied en cap. Emmitouflé dans un turban deux fois long comme lui, le garçon fut juché sur un de ces majestueux vaisseaux du désert et les bras puissants d'un guerrier se refermèrent en travers de sa taille.

- "Que les étoiles vous guident."
- "N'ayez crainte, vieux père, la Lumière nous protège et grands sont ses prophètes. Veillez sur votre fils."


Le regard du vieux roi s'assombrit. Il porta une rude accolade au cavalier qui s'inclinait pour le saluer puis donna le signal du départ et les montures se dressèrent, hautes sur leurs jambes, les naseaux frémissants.

- "Nos prières vous accompagnent. Cette lutte là n'est pas la nôtre."
- "Je le sais mes fidèles. Courez comme le vent, et ramenez la."
- "Vous ordonnez."


Les dunes succédèrent aux dunes, les rochers aux rochers, les combes aux combes. Ils croisèrent, à peine perceptibles dans la nuit sans lune, les ombres inquiétantes d'ossements de titans que le désert refusait d'engloutir et que les étoiles nimbaient d'une aura inquiétante. Dans la houle de la démarche chaloupée de sa mouture, Tsion'hebb s'endormit avant que naisse une aube nouvelle.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:20

Chapitre XIX - Conseil informel


Quand le jeune prince Tsion'hebb s'éveilla, le soleil était haut dans le ciel et la chaleur écrasait les toîts de la cité du vieux roi Ashakir. Les terrasses de calcaire et les dômes d'orichalque miroitaient dans l'atmosphère mouvante. Il dut détourner son regard des éclats blessants qui filtraient à travers les persiennes. La soif le tenaillait et c'est avec un plaisir non dissimulé qu'il se désaltéra du jus de fruits qui l'attendait, déposé sur un plateau. Il but avec tellement d'avidité que le bruit qu'il fit à cette occasion attira l'attention d'un immense chien qui entra dans la chambre avec un air curieux.

Le visage du jeune prince s'éclaira d'un large sourire :
- "Uldamir !"

La voix du prince acheva de ramener à la mémoire de l'animal les heures de jeu passées dans les jardins à courir sous les jets d'eau à l'occasion de ses rares visites et un concert d'aboiements joyeux précéda un débarbouillage en règle tandis que Tsion'hebb, à peine plus grand que la bête, tentait d'échapper aux griffures involontaires qu'infligeaient les pattes massives.

"Aïe, tu me fais mal, brute épaisse !"
"Tu veux des gratouilles, affreux molosse ?"
"Haan ! Mais regarde ça, je suis couvert de poils !"
"Moi aussi je peux faire ouah ! Silence ! Silence gros bavard ! ouah ! ouah !"


L'enfant en était tombé sur les fesses et dût se rouler en boule pour éviter de se faire écraser par la masse qui le mordillait et le bousculait à grands coups de tête affectueux. Et puis enfin les retrouvailles s'apaisèrent et le chien, qui avait roulé sur le dos pour avoir plus de caresses, se remit sur ses pattes en une contorsion maladroite dès qu'il constata que son compagnon se décidait à sortir.

Un bruit d'eau qui s'écoulait résonnait au milieu des plantes. Tsion'hebb prit conscience qu'il lui tardait de se rafraîchir et s'avança sous les frondaisons. Les immenses feuilles filtraient la lumière crue du soleil et la tamisaient de sorte qu'elle paraissait douce et apaisante. Le chien lui avait emboîté le pas. L'enfant marchait avec ravissement dans cette forêt miniature qu'il croyait deviner sous la protection d'une magie bienfaisante. Un bruit de voix l'arrêta. En première instance il s'en trouva contrarié car il avait espéré faire ses ablutions tranquillement et profiter au calme de l'eau fraîche, mais les mots prononcés le firent revenir brutalement à cette réalité à laquelle il avait un instant échappé.

Il reconnut le cavalier qui l'avait pris en selle, aux côtés de l'épouse du vieux roi. Ils écoutaient une troisième personne que l'enfant ne distinguait pas, celle qui parlait en cet instant :

- "... essures importantes. On pense que la magie de cette Saïdan a été amplifié par les énergies négatives générées par cet assassinat."
- "Mon fils n'est pas un assassin !"
- "Ô dame, première parmi les aimées, votre fils a tué devant témoin sans espoir de retour. C'est un fait avéré."
- "Il ne l'a pas fait sans raison !"


Le fidèle du roi observa la reine un instant et lui tendit une coupe de cristal qu'il venait de remplir à la source. Il sembla prendre conscience de la détresse de cette mère dont l'enfant était accusé de meurtre et sa voix s'adoucit.

- "Calmez-vous je vous en prie reine Goudnara, votre fils a tué son épouse, je l'ai vu de mes yeux."
- "Sa future épouse"
précisa la reine d'un ton dur qui céda aussitôt. "Est-ce qu'il souffre beaucoup ?"
- "Il est très diminué, ô ma reine. Mais il parle et son esprit est clair."
- "Votre époux m'a suggéré de faire appel aux services de la toute puissante N'gdua. On dit que ses sortilèges sont très efficaces et que ses talents de soigneuse sont réputés au delà de son peuple."
- "Par la Lumière !"
s'horrifia la vieille reine.
- "Ça ne sera qu'un dernier recours."

L'homme posa une main secourable sur le bras de la favorite du roi, la même depuis de longues années et que le souverain laissait désigner sous le titre de reine car, de fait, ils s'aimaient sincèrement et depuis longtemps. Il lui confiait ses tracas, ses joies, ses peines, et leur harmonie était telle que les visites du cheik auprès de ses autres épouses avaient fini par s'espacer jusqu'à presque disparaître. Tsion'hebb considérait Goudnara comme sa grand-mère et elle-même s'employait à en assumer le rôle. Mais pour l'heure, les propos que l'enfant venait de surprendre l'avaient stupéfié et il n'osait plus ni avancer ni reculer. Prudemment toutefois, il fit un pas de plus pour révéler le visage de l'homme qui s'adressait à la reine et à son serviteur. Il découvrit en fait la silhouette d'une femme que la voix rauque rendait trompeuse sous le couvert végétal. Elle était habillée comme un homme, de façon très ajustée, d'une tunique sombre qui moulait ses formes sveltes et d'un pantalon qui révélait ses jambes sous le long manteau marron des marcheurs des dunes. Tsion'hebb comprit mieux qui était cette inconnue.

Les marcheurs des dunes était une caste à part entière. Rôdeurs infatigables, ils arpentaient le désert qu'ils connaissaient mieux que personne. Eclaireurs hors pair, ils savaient les oueds et leurs parcours cachés, ils savaient les pistes et les points d'eau et connaissaient les chemins pour s'engager bien au delà des terres cartographiées, dans le désert profond où l'eau elle-même n'est que poussière et où la terre, le ciel et le feu se mêlent, éléments purs, hostiles à toute vie. On disait d'eux qu'ils étaient extrêmement riches, mais rien ne venait conforter ces rumeurs car il n'apparaissaient jamais autrement que sobrement vêtus de leurs habits traditionnels, parfois agrémentés de brassards ou d'un poignard sans ostentation particulière. On les reconnaissait aux tatouages qui mangeaient leurs mains et leur visage, masquant, chuchotait-on encore, les cicatrices des morsures de serpents auxquels ils se soumettaient lors de leur rite d'initiation.

- "Il est évident qu'avec la mort de la reine Saïdan, aucun pratiquant de l'Art ne viendra au secours de votre fils, ô noble dame du Guesir. Ils auraient trop peur des représailles, concrètes ou mystiques." précisa encore la marcheuse.
- "La peste soit de l'Art et de ses adeptes !"

L'homme pressa le bras de la reine avec plus d'insistance avant de retirer sa main pour ne pas paraitre déplacé.

- "Nous ne savons pas de combien de temps nous disposons. L'état de votre fils peut évoluer dans n'importe quel sens."
- "Nous attendrons des nouvelles de mon époux avant de prendre les mesures qui s'imposent. Je m'en vais prier que le Grand Lumineux, loué soit son nom, afin qu'il nous inspire une voie favorable. Meharia ? Puis-je... vous demander de... rester disponible ?"


La marcheuse des dunes sourit de ces précautions. La reine savait que les services des marcheurs n'étaient pas à vendre et que seul leur intérêt propre avait force de loi sans souffrir d'allégeance. Néanmoins la rôdeuse appréciait cette femme et son époux était un souverain bienveillant. Elle s'inclina devant la reine et son serviteur avec un mouvement de tête qui signifiait qu'elle ne semblait pas y voir d'inconvénient. Il était inutile d'en attendre davantage.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:21

Chapitre XX - Le prix du sang.


Plusieurs jours s'écoulèrent dans une sorte d'étrange parenthèse de béatitude. Le palais du cheik Ashakir était un endroit vraiment plaisant : Les plantes vertes grimpaient partout, entretenues par une armée de valets en livrée claire qui, en outre, servaient à tout instant des rafraichissements aux goûts variés. La lumière plongeait profondément au cœur de la construction mais astucieusement canalisée au travers de claies et de trémies qui la rendaient douce et plaisante. Il semblait au jeune démoniste qu'aucun ennui ne pouvait troubler la tranquillité de ces lieux protégés, mais il percevait également intimement la fragilité de cette bulle, surtout quand il perçut, pour la seconde fois, les sanglots de la reine.

Il déambulait dans un couloir, Jubbis sur ses talons, en quête d'une balle de cuir qui s'était perdue sous les immenses buffets de rotin précieux.

- "Oh, tu es là mon ange."
- "Ça ne va pas grand-mère ?"


Elle tenta d'effacer ses larmes mais ne parvint qu'à étaler un peu plus le khôl dont elle embellissait son regard.

- "Ne t'inquiète pas petit chat, tout va bien aller."
- "C'est père, c'est ça ? Il ne va pas bien ?"
- "En effet, tu as raison."
- "On va le sauver, hein grand-mère ?"
- "Bien sûr qu'on... qu'on... va le sauver."


C'en était trop pour la mère qu'elle était. C'est seulement à cet instant que Tsion'hebb réalisa qu'elle froissait dans sa main une missive hâtivement rédigée. Elle s'assit lourdement sur un banc d'acajou admirablement ciré et donc les nervures gracieuses étaient damasquinées d'or pour en rehausser encore les reflets précieux. Elle ne résista pas quand l'enfant fit glisser le papier entre ses doigts.

Ashakir Yubet Ibn El'Fattia, souverain du Guesir a écrit:
Ô ma reine, joyau de merveille et perle de mon palais, souveraine de mon âme et généreuse mère de ma félicité,

Notre fils se meurt.

Il ne fait plus de doute que le mal qui le ronge est bien le fait de la fielmagie. Tu sais aussi bien que moi combien sont rares les guérisseurs capables de venir à bout de ces maléfices. Agir contre Saïdan serait nourrir une vendetta que les générations prochaines ne sauraient épurer. Tu connais aussi le prix que demandera certainement la Trollesse.

Ici la situation est stable malgré les Ogres s'agitent. On dit qu'ils se battent entre eux pour retrouver qui a dérobé l'un de leurs artefacts les plus précieux. Les rumeurs vont bon train, mais grâce au Grand Lumineux, leur regard glisse sur nous sans s'arrêter. Les caravaniers sont nerveux mais tout le monde reste calme.

Ma douce épouse, j'ai grand peur qu'il ne faille nous y résoudre. Alors je t'en prie, quelque soit ta peine, cours maintenant sans délai auprès de la Trollesse pour requérir son aide. Ne crois pas que je sois un homme sans cœur car moi aussi j'aime cet enfant. Tu sais ce que je donnerais pour lui.

Et que pourrais-je dire d'autre. Chacun de nous sait ce qu'il en est, et le Grand Lumineux - loué soit son nom - nous pardonne.

A.


L'enfant relut une seconde fois la lettre. Tout lui semblait d'une clarté limpide. Il n'éprouvait aucune peur en cet instant. En vérité... il n'éprouvait rien de particulier. Il se sentait parfaitement détaché, comme si son esprit pénétrait toutes choses avec une acuité décuplée à qui l'évidence n'avait plus à être démontrée.

- "Ils cherchent quoi les Ogres grand-mère ?" lança-t-il de sa voix d'enfant si étrangement claire.
- "Je ne sais pas mon cœur... je ne sais pas. Sans doute leur Lotus Pourpre."
- "C'est quoi ?"
- "Je... je ne sais pas. Enfin si c'est... une fleur que... qu'utilisent les femelles."
- "Elle sert à quoi ?"


Elle se contenta de poser un doigt long et fin sur les lèvres de l'enfant sans pouvoir s'empêcher de s'émouvoir encore devant tant d'innocence. Il n'insista pas. Depuis quelques mois il avait compris que l'accès à certaines choses n'étaient pas du domaine des hommes et qu'il était des mystères ne le concerneraient jamais.

- "On s'en va bientôt ?"

La reine glissa du banc à genoux pour le presser dans ses bras. Elle sentait bon les fleurs et il reconnut le jasmin. Elle le serrait contre elle avec une force décuplée par l'atrocité de ce qu'elle s'apprêtait à commettre, mais elle n'avait pas le choix. Non... elle n'avait pas le choix... et ne pouvait s'empêcher de hurler sa rébellion au travers de larmes de rage impuissante qui coulaient sur ses joues. Longtemps ils restèrent ainsi enlacés. Puis enfin elle parvint à se calmer et à se relever péniblement. D'un geste elle ajusta son voile pour masquer son visage ravagé et guida le petit Tsion'hebb à travers le dédale du grand palais.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:21

Chapitre XXI - En route pour la cité trolle


Le départ se fit de très bon matin. Le soleil n'était pas levé, à peine une luminosité plus forte en direction de l'Est. Regroupés sur une large place donc les fontaines étaient taries pour la nuit, une troupe de cavaliers patientait dans l'attente de la vieille reine et de son petit-fils. L'un et l'autre prirent place dans une litière et l'attelage s'ébranla enfin en direction des portes du désert avant de les franchir en laissant derrière eux la ville endormie. Un rayon de soleil, rouge comme le sang, vient saluer le départ des voyageurs.

L'expédition était prévue pour durer six jours. Les réserves d'eau et de nourriture étaient réparties sur l'ensemble des bêtes mais deux d'entre elles, bâchées spécifiquement, transportaient uniquement des marchandises. Le jeune Tsion'hebb eut l'impression que le voyage dura un mois tant l'ennui le rongeait. Alors, faute de mieux pour s'occuper, il cherchait le sommeil, bercé par les pas des chameaux et les hennissements des chevaux. Les hommes n'étaient guère bavards, sinon pour discuter à voix basse des meilleures routes à suivre. Il n'y avait guère de chemin tracé pour rallier le territoire des Furies-de-Sable et sans la science de la marcheuse des sables, il aurait fallu s'encombrer de réserves plus importantes encore qui auraient contribué à ralentir un peu plus la marche. Meharia les guidait et, bien qu'elle se déplaçât à pied, se montrait rapide et efficace, menant la caravane sur les pistes les plus sûres en évitant embûches et mauvaises rencontres. Le seul moment de distraction venait quand enfin la procession s'arrêtait pour la nuit auprès d'un enchevêtrement de buissons rabougris ou de quelques arbres dont la présence signalait la présence d'humidité. Là les hommes jouaient de la pelle pour dégager les abords d'un puits ou révéler un filet d'eau qui courait dans un lit secret. Le désert révélait ses veines cachées à qui savait entendre le son de ses prières et s'harmoniser à ses rythmes intimes.

- "Nous arriverons après-demain vers la mi-journée" annonça la nomade en fixant la ligne bleutée qui dessinait l'horizon.
- "Nous approchons de la Zul Farrak n'est-ce pas ?"
- "C'est exact guerrier, mais ne l'ébruitez pas. Vos hommes s'en rendront compte bien assez tôt pour refuser d'avancer dans ces terres maléfiques. De toutes façons nous traverserons des villages bien avant d'y parvenir."
- "Les Furies-des-Sables ne vous font pas peur ?"
- "Ce sont des pisteurs redoutables. Il y a beaucoup à apprendre de leur magie sombre."
- "Çà... Et vous avez entendu parler de Sul'thraze j'imagine ?"
- "Tout le monde connait la légende des lames jumelles capables d'instiller la peur dans le cœur des plus féroces adversaires."
- "Ce ne sont pas des lames jumelles, c'est une même lame scindée en deux."
- "J'ignorais ce détail."
répondit-elle d'une voix douce. "Je sais par contre que des gens très déterminés sont à sa recherche. Je les ai croisés à Gadgetzan il y a moins d'une lune. J'espère que nous serons partis avant qu'ils ne mettent leur projet à exécution. Nous avons de quoi monnayer l'amabilité des Trolls mais pas assez pour calmer leur colère."
- "Nous avons des arcs et des flèches, et aussi des cimeterres bien affutés."
- "Que l'un d'entre nous tire son arme au clair, et nous n'aurons plus pour longtemps à vivre, vous le savez aussi bien que moi. Nous devrons négocier, c'est inévitable."
- "Croyez-vous qu'ils se satisfassent de fleurs et de ballots de laine ?"
- "Tsss... C'est du tisse-mage, bienheureux ignorant ! Du tisse-mage que les femmes apprécient ! Et ils seront ravis aussi de nous échanger un peu de sel contre le vin du Guésir. Et la fleur de feu... est inconnue dans leurs montagnes. Pourtant ils raffolent des mets épicés, et il n'y a pas meilleur que la fleur de feu, vous le savez."


L'homme rit. Décidément la diablesse lui plaisait. Il avait rarement vu marcheuse aussi rapide, aussi habile à déjouer les pièges du désert, à repérer les sables mouvants et les nids de scorpides. De nouveau son regard se porta sur l'horizon et la chaîne de montagnes que ses cristaux tenus à bout de bras rapprochaient sensiblement au point qu'on en devinait les contreforts. D'un geste il glissa les deux lentilles précieuses dans leur petite pochette et s'enquit d'aller informer la reine.

Le garçon dormait. Aussi la reine se glissa-t-elle sans bruit à l'extérieur de la litière pour risquer quelques pas, accrochée au bras du chef d'expédition. Ankylosée, elle tint quand même à marcher jusqu'au puits pour honorer de sa présence les braves qui veillaient sur elle. Deux feux maigrelets crépitaient sans libérer de fumée sinon une fumerolle à peine perceptible quand les cuissots de basilic suintaient une graisse épaisse. La soupe chauffait et elle leur fit très plaisir en acceptant de partager leur repas. Ils aimaient cette femme qui veillait sur eux avec la prévenance d'une mère et nourrissaient pour elle un profond respect. Elle en était consciente et leur rendait de son mieux dans un esprit de justice attentionnée, disposant d'un mot pour chacun, pour saluer sa famille et s'inquiéter des siens. La nuit était tombée depuis longtemps quand elle s'en retourna, non sans leur avoir conté l'un de ces mythes rabâchés mais dont elle maîtrisait la narration avec un art consommé.

Non loin de là, à plat ventre au sommet d'une dune, quatre paires d'yeux ne perdaient rien des faits et gestes des voyageurs. Puis l'un d'eux se leva enfin :

- "Qu'est-ce qu'ils viennent foutre par ici eux ?"
- "Ca, c'est le grain de sable dans une mécanique bien huilée"
siffla un Gobelin dont le tablier de cuir frappé des armes de la compagnie des eaux de Gadgetzan renvoyait la clarté de la lune.
- "Et merde ! Faut prévenir Diamma ! Ca va être l'effervescence là-bas."
- "J'estime la probabilité à 9 contre 1, et je mise 30 argents."
répondit le Gobelin, impassible.
L'homme frappa du point dans le sable, les yeux illuminés de rage.
- "Et d'la merde ! On s'est reculé à des lieues pour être sûrs de pas être emm... par des chasseurs trolls et une stupide caravane surgie de nulle part manque de nous marcher d'ssus ! C'pas vrai ça !"
- "Cette probabilité là était vraiment infime. La prévoir était objectivement une perte de temps qui aurait nui à d'autres préparatifs plus importants et vous aurait valu un surcout d'immobilisation de 2 1/2 pourcents par jour sans compter les taxes de séjour supplémentaires."
- "Ta gueule !"


- " 'tain hurle pas comme ça, connard ! Tu veux nous faire repérer ou quoi ?" lança l'un des deux restés à observer. "Allez venez plutôt, faut qu'on achève de tout planquer avant l'aube."
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:21

Chapitre XXII - L'heure des hyènes.


Elles progressent, souples, rapides. A l'avant la plus habile d'entre elles renifle les pistes. Elle file dans l'obscurité, la truffe au sol, le pas fluide. A sa suite une dizaine de congénères suivent en silence, tous les sens aux aguets. Malheur aux petites créatures qui auraient voulu profiter de la fraîcheur relative de la nuit : les hyènes partent en chasse. Soudain la meneuse se fige ; toute la troupe s'immobilise en un clin d'oeil. Et tandis qu'elle hume, triant dans le moindre souffle d'air un indice improbable, elles se rassemblent sous le vent. Leur façon de se mouvoir n'est pas aléatoire et la place dans la meute est l'objet d'une lutte de tous les instants. Des grognements et des claquements de dents trahissent la petite troupe au point de perturber l'individu qui mène la danse... et qui met fin au désordre d'un grondement sourd.

Une odeur de mort, de sang frais, de chair encore tiède, mais aussi une odeur âcre, malsaine, piquante, un gaz rapidement dissipé par le vent mais dont quelques effluves létales s'attardent encore. Elle n'a plus de doute et s'élance en trottinant. De nouveau la meute progresse le long d'une trajectoire courbe, mélange d'instinct et de sagesse, qui converge vers le festin inattendu. Mais il y avait un obstacle : Devant quelques silhouettes accroupies qui les observaient en silence, deux individus, un grand et un petit, échangent des mots chuchotés que la nuit emporte loin d'oreilles capables de les comprendre :

- "Moi je pwends les awmes, toi tu pwends l'ow, et on pawtage les denwées."
- "On avait dit l'or ET les provisions !" insista la voix nasillarde d'un Gobelin.
- "Alows tu wachètes ta pawt des pwovisions avec l'or."
- "Je te cède un quart de l'or contre la moitié de leurs stocks, sans frais de dossier."
- "Va te faiwe voiw !"
- "La moitié de l'or et tout le fourbi est à moi !"
- "Moitié ?"


Le Troll hésita. Il ne fallait pas qu'il se montre non plus trop exigeant faute de quoi ses petits arrangements avec la compagnie des eaux risquait de se trouver remis en cause et personne n'aurait à y gagner. D'un autre côté, le Gobelin n'avait sans doute pas trop intérêt non plus à ce que ses magouilles pour arrondir les fins de mois s'ébruitent. Undercity était certes une grande famille... mais il arrivait régulièrement qu'on distribue des fessées mémorables dans certains services et le négociateur n'avait aucune envie d'attirer l'attention de ses chefs. Le Gobelin s'y connaissait pour fournir des tuyaux percés aux aventuriers dont les yeux brillaient dès qu'il évoquait les richesses de Zul'Farrak. Et puis, une fois bien mûrs, il leur proposait ses services de guide pour les mener vers l'un ou l'autre des villages complices et tout le monde se partageait le butin. Le désert avait sa part : les hyènes s'étaient installées sans impatience en attendant leur heure.

Le Troll se retourna vers les siens pour leur adresser quelques mots dans le dialecte des Furies-des-Sables :
- "Mawché conclu : On chawge et on dégage. Le jouw va se lever bientôt."
- "C'est conclu."
confirma le Gobelin en reconnaissant les premiers mots.

Les guerriers levèrent les bras en signe de contentement, agitant leurs lances garnies de plumes dont les couleurs se perdaient dans l'obscurité. Puis, dans un rituel bien rôdé le négociateur ramena dans ses mains l'outre qu'il tenait en bandoulière, récupéra une timbale dans une poche et versa le thé pour l'offrir à son partenaire commercial. Le Troll s'inclina, huma symboliquement la boisson tiédasse pour signifier son accord et rendit la timbale pour que le Gobelin s'en enfile la moitié avec un bruit inimitable de chuintement d'air qui passait entre ses petites dents pointues. Il tendit à nouveau le verre au Troll qui scella définitivement le pacte en émettant un glougloutement bien plus bruyant encore, ce qui déclencha les rires de la troupe.

Quelques minutes plus tard ne subsistaient dans le désert que trois corps débarrassés de toute trace de civilisation. L'équipement et le reste furent soigneusement répartis entre les guerriers et le Gobelin, suite à quoi la petite troupe s'enfonça dans la nuit en file indienne. Alors le Gobelin repoussa son tablier pour extirper un appareil dans lequel il versa quelques grains de sable avant de régler deux molettes. Un coup de masse plus tard et un petit bip-bip résonnait au milieu des dunes. Il s'en fallut d'une petite heure pour que, juste avant les premières lueurs de l'aube un gyroptère pétaradant ne vienne manquer de s'écraser sur la radio-balise pour venir récupérer l'énergumène.

C'était enfin l'heure des hyènes.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:22

Chapitre XXIII - Indices


- "C'était quoi ça ?"
- "Aucune idée chef. Ça vient du sud-ouest, mais rien de visible. C'est par delà la ligne de crêtes."
- "Où est Meharia ?"
- "Déjà partie. En fait elle était partie déjà avant. Je sais pas où elle est. Surement par là."


Le chef de l'expédition et son acolyte scrutaient le désert. Les premiers rayons du soleil chauffaient déjà les plus hautes dunes et il fallait se hâter malgré les interrogations. De toutes façons ces manifestations étranges se localisaient sur l'arrière. La progression de la caravane en éloignait donc l'expédition mais en laissant en arrière la marcheuse des dunes. Néanmoins il restait nécessaire de s'assurer que personne ne soit en détresse et c'est bien ce que la pisteuse était en train de faire. Cette double contrainte n'était pas sans induire chez les caravaniers une pression insidieuse qui se manifestait, chez le chef, par le fait qu'il ne cessait d'ajuster son immense turban et d'en tortiller les brins colorés. Ils continueraient d'avancer mais à vitesse réduite et pousserait la marche un peu plus le soir pour rallier le prochain puits si toutefois cela s'avérait nécessaire.

Ce que le chef ignorait c'est que Meharia était arrivée depuis longtemps sur les lieux. Elle avait longuement inspecté toutes les traces et n'avait pas manqué de remarquer le flou que le vent du gyroptère avait généré. Mais comme elle n'avait que très rarement croisé ce type d'engin, l'idée ne lui vint pas à l'esprit et elle crut au souffle d'une créature très étrange dont elle craignait de préciser la nature. Qui n'avait pas en tête les légendes attachées à ces monts lointains où l'on disait que d'immenses créatures ailées couvertes d'écailles de bronze avaient élu domicile ? Elle n'avait jamais approché cette région, ni personne de sa connaissance. Elle se refuser à admettre une hypothèse aussi fantaisiste.

S'il s'agissait d'une créature volante, elle s'était éloignée en plongeant entre les collines de sorte à rester hors de vue. Les trois corps abandonnés aux charognards laissaient tout aussi perplexe. Pas de sépulture, pas de mutilation, pas de marque qui lui évoque quelque chose. Ce n'était que trois corps nus qui ne posséderaient bientôt même plus la peau sur les os tant les hyènes s'y entendaient pour déchirer de grands lambeaux de chair dans des craquements sinistres.

L'enfant était littéralement fasciné. Elle n'en revenait d'ailleurs toujours pas d'avoir cédé à ses demandes de l'accompagner. Mais il était debout dans la nuit auprès d'elle quand elle avait glissé sa lame d'ombre dans les replis de son pantalon bouffant et elle avait vite compris que si elle désirait partir sans éveiller la moitié de la caravane, elle n'avait d'autre choix que le prendre avec elle. Le garçon avait l'air dégourdi, déjà équipé d'une outre en bandoulière, et, comme elle n'envisageait pas autre chose qu'une reconnaissance rapide, la marcheuse avait elle accepté cette contrainte moyennant moult promesses de discrétion. D'un claquement de doigts elle l'arracha à sa contemplation morbide.

- "Oh ! tu rêves ?"
- "Hein ? Non non je... je pensais au Néant."
- "Tu..."
- "Tu crois qu'ils sont où ces gens maintenant ? Dans les hyènes ?"
- "Ces gens... Ils... ils sont retournés au Grand Lumineux, tu sais bien."
- "Et comment on le sait ?"
- "Mais... enfin ! Les prêtres l'enseignent Tsion'hebb. Ne me dis pas que tu l'ignores !"
- "Non, j'ai entendu les leçons."
- "Viens donc par ici, ce n'est pas un spectacle pour un enfant."
- "Moi je crois qu'ils sont retournés au Néant." lança-t-il avec un petit air désolé.
- "Mais non voyons, personne... personne ne retourne au Néant."
- "Pourquoi ?"
- "Et bien parce que... parce que... parce qu'ils ont appris des choses dans leur vie !"
- "Oh."


Pour une raison qui lui échappait totalement, le gamin affichait un air très content de cette réponse. Ils s'entreregardèrent mais elle finit par retourner à ses traces pour échapper au regard perçant qui se posait sur elle et... la dérangeait. Ces considérations la ramenaient à bien trop de choses qu'elle n'avait pas vraiment résolues et qu'elle préférait laisser en l'état. Trop de souffrances, de compagnons perdus, trop de souvenirs, trop... de tout. Elle inspira à fond et retourna à son inspection du site.

Ils avaient tout de même quelques éléments : Un nain et deux humains, précédés d'un gobelin, avaient marché depuis le nord jusqu'ici, avaient été rejoins - ou rattrapés - par une petite troupe de Furies-des-Sables, et avaient laissé la vie dans cette rencontre. Le Gobelin avait disparu, peut-être transporté à dos de Troll, chose peu probable, ou enlevé par une chose venue du ciel. Quoi qu'il en soit il n'y avait plus trace de lui. Hormis les hyènes, les busards et quelques bestioles intriguées par l'animation, il n'y avait rien d'extraordinaire dans la région hormis une zone de sables mouvants plus à l'Est. La caravane n'attendrait pas, Meharia le savait, et elle serait partie immédiatement si le jeune Tsion'hebb n'était pas en train de fouiller le sable.

- "Qu'est-ce que tu fiches ?"
- "J'ai trouvé une relique !!"


Elle s'approcha, intriguée.

- "Une relique ? Une relique de quoi ?"
- "Une griffe de dragon pardi !"
- "HEIN ?!"


Il extirpa de ses fouilles le culot d'une fiole à bec fin. Pas de bouchon, pas de corps non plus. Il affichait un sourire rigolard qui se mua en rire franc quand il remarqua la mine décomposée de la marcheuse. Le rire connut une fin tragique dans un claquement sec : cinq doigts venaient de se poser sans douceur sur sa joue tendre.

"Petit con..."

Elle regretta la seconde d'après mais le mal était fait. Aussi se concentra-t-elle sur la trouvaille. Il en émanait une odeur très étrange qui donnait mal au coeur. Puis, examinant les lieux avec précautions, ils eurent tôt fait de remarquer les éclats brillants de verre qui parsemaient les alentours et de reconstituer au moins mentalement le corps rond du contenant. Quelqu'un avait jeté cette fiole au sol et le verre, très fin, n'y avait pas résisté.

- "Pourquoi tu me tapes ?" lança l'enfant avec une petite voix penaude.
- "Je... j'en sais rien, tu m'agaces !"
- "Tu as peur des dragons ?"
- "Ça ne te regarde pas ! Occupe toi de tes fesses."
- "Personne ne va au Néant, parce qu'entre le moment où tu nais et le moment où tu meurs, tu as appris des choses. Alors rien ne retourne jamais au Néant, c'est pas possible."
- "Tais-toi."


Il n'attendit pas de prendre une autre gifle pour obéir. Elle lui jeta un regard désolé, puis s'obligea à prendre un ton plus doux.

- "Ecoute... Il y a bien des choses que tu ignores, et ce dont tu parles n'a pas de réponse. Les... les morts ne reviennent jamais. Et puis... je n'ai pas envie d'y songer, d'accord ?"
- "D.D'accord. Mais..."
- "Quoi encore ?"
- "Quand je serai grand, je tuerai la peur. Comme ça les gens comme toi ne frapperont plus les enfants. Et personne ne va dans le Néant."


Elle soupira, saisit l'outre pour qu'ils boivent chacun leur tour, puis ils se hâtèrent de rejoindre la caravane.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:23

Chapitre XXIV - Elémentaire mon cher Jubbis


Si la caravane progressait lentement dans l'immensité désertique, elle n'en avait pas moins couvert une distance respectable. Meharia tenait à combler ce retard avant que le soleil ne soit au plus haut dans le ciel. Ils eurent tôt fait de retrouver les traces des chameaux, marquèrent à peine un pause et s'élancèrent de nouveau à la poursuite de l'expédition. L'enfant ralentissait la marche mais la pisteuse l'avait anticipé : ils rattrapaient à un bon rythme et elle estima qu'ils auraient rallié avant le milieu de la journée. L'enfant ne se plaignait pas et elle comptait ça à son crédit car elle tenait malgré tout un rythme soutenu. Il buvait beaucoup évidemment, peu habitué à cet exercice prolongé, mais faisait preuve de courage et de discipline, les pas dans les siens sans provoquer de retard. Elle appréciait ces qualités.

Au fil de leur course, le sable se durcit sous leurs pieds. Le paysage se transformait lentement. Le sol devenait pierreux au point qu'on aurait cru bientôt des plantations de caillasses au gabarit étonnamment calibré, ceci à perte de vue. La poussière était omniprésente et la chaleur accablante, mais le relief s'accentuait lentement, au point de fournir parfois, au détour d'une ravine ou d'un rocher plus haut, quelques flaques d'ombre dans lesquelles, hélas, ils ne pouvaient s'attarder. Devant leurs yeux mi-clos, éblouis de soleil, le paysage dansait dans la chaleur. Et puis, enfin, après avoir fini d'escalader une petite colline, ils aperçurent à moins de trente stades la longue procession des vaisseaux du désert.

Meharia se figea. La main en visière elle plissait les yeux, l'air préoccupé. Intrigué le jeune garçon en fit autant, les yeux humides à force de lutter contre l'éblouissement de ces rochers qui miroitaient devant ses yeux.

- "Ils sont arrêtés."
- "Tant mieux !"
- "Non pas tant mieux. Ce n'est pas normal."


Elle hésita, observa un instant l'enfant, puis le regarda fixement.

- "Ecoute bien. Il va falloir que tu fasses exactement ce que je te dis, d'accord ?"
- "Bah oui !"
- "C'est sérieux jeune prince. Il faut vraiment être prudent. Une caravane ne s'arrête pas en pleine chaleur sans raison. Il a dû se passer quelque chose de grave. Je vais aller voir. Toi tu continues sur la piste et tu ne t'arrêtes pas avant d'avoir atteint ce gros rocher avec les stries, celui qui dépasse un peu avant, tu le vois ?"
- "O.oui mais... Tu vas où toi ?"
- "Je vais voir ce qui se passe. Je reviendrai te chercher. Reste bien caché surtout."
- "Soit."


Il n'en menait pas large mais se contenta de serrer son outre sous son bras. Avec des gestes affectueux elle replaça un pan de son turban et le regarda encore, glissant une main rêche contre sa joue qu'elle claqua d'un petit coup sec.

- "Tu m'entends ? Tu t'arrêtes bien au rocher que je t'ai dis. C'est bien compris ? Je ne tiens pas à te retrouver dévoré par un basilic ou un scorpide, ni à te courir derrière à travers tout le désert. De toutes façons tu n'irais pas bien loin. Si tu te perds, tu cherches un coin à l'ombre et tu n'en bouges plus. Tu étales ton turban, tu le coinces dans des rochers pour qu'on le voit de loin. Çà ira ?"
- "Bah oui."
- "Bien. J'y vais. A tout de suite."


Elle s'éloigna de quelques pas, le regarda encore une fois avec le doigt dressé, l'air menaçant comme pour l'enjoindre à ne pas déroger aux consignes, puis s'éloigna d'un pas rapide et sûr qui la menait en ligne droite vers la caravane arrêtée, faisant fi de la piste. Il n'attendit pas plus d'un instant avant de se mettre en route à son tour. Le soleil lui brûlait les mains, aussi se hâta-t-il d'enfouir ses doigts dans ses poches et de triturer la boule d'ivoire dont il ne se séparait plus.

Il n'avait pas fait cent pas qu'il s'arrêtait déjà.

Après tout, rien n'interdisait de s'adjoindre la compagnie de Jubbis. Rien ne l'obligeait à marcher seul comme un idiot dans un désert surchauffé sans personne à qui parler. Et puis Jubbis ne craignait pas le soleil : Il s'en moquait parce qu'il savait jouer avec les flammes et le feu du Grand Lumineux n'avait pas d'effet sur lui, du moins pas le feu naturel. Et il ne buvait pas non plus, il ne buvait jamais et donc il ne puiserait pas sur son outre. Une longue incantation plus tard, le diablotin sautilleur apparaissait, de fort méchante humeur, mais bel et bien ancré dans le réel par les mots de l'enfant.

- "Ah non hein ! Tu ne vas pas me casser les pieds sinon je t'assure que ça va mal aller pour toi."
- "Raaah mais qu'est-ce que je fous là moi ? J'étais bien tranquille peinard à me la couler douce entre deux effluves de rien à siroter du nawak... et v'là qu'j'entends ta p'tite voix nasillarde... Mais meeeeeerdeeeeeuh !!!"
- "Jubbis..." fit le jeune démoniste en fronçant les sourcils pour avoir l'air sévère.
- "Quoi encore ? Tu veux m'frapper ? Allez vas-y cogne ! cogne ! mais cogne donc !"
- "Tu es ridicule."
- "C'toi l'ridicule. Tu t'es vu quand t'as pas bu ?"
- "Tu veux finir écrabouillé sous une pierre ?"
- "Moi ? Ecrabouillé sous une pierre ?! Mouahahahaha, laisse moi rire !"
- "Je ne ris pas" répondit l'enfant d'un ton un peu trop calme.
- "Qu'est-ce que tu me fais là ?"


Le gamin ne répondit pas, se contentant de reprendre sa marche interrompue. Au loin la caravane ne bougeait toujours pas mais il était toujours trop loin pour en voir plus, aussi se contenta-t-il d'avancer en silence, au grand dam du diablotin qui enrageait.

- "C'est quoi ça ? Non mais tu t'prends pour qui là ? Tu crois qu'tu m'fais peur ? T'as d'la chance que tu m'as invoqué correctement sinon j't'assure que tu gouterais d'mon pied enflammé dans ton derrière et qu'ça sentirait l'cochon grillé ! Qu'est-ce que tu m'caches ? C'est quoi ces menaces ? Et où on va là ? Tu peux au moins m'dire ça ! Tu m'fais venir, ça me fait un mal de chien, et toi tu me dis rien ? Mais c'est quoi ce maître à deux cuivres ? Remboursez !"

Et patati, et patata, il n'en finissait plus de maugréer, de vociférer et de manifester de mille façons son mécontentement, amenant sur le visage du démoniste un sourire de plus en plus content de lui, ce qui n'arrangeait rien à l'humeur du petit être dont les flammes dansaient sauvagement autour de lui en laissant des traces de grillé un peu partout. Mais l'enfant s'en fichait car ils progressaient vite. Les traces des chameaux était facile à suivre au point qu'il ne nourrit aucune hésitation. Il était arrivé assez prêt désormais pour tâcher d'en savoir un peu plus et s'arrêta au milieu de la piste. Là il imita le geste de Meharia, refermant son point pour ne laisser qu'un tout petit jour au travers duquel il observa la scène.

- "Tu sais quoi ? T'es qu'un égoïste !" attaqua de nouveau la bestiole.
- "Je sais."
- "Tu t'en fiches ?"
- "Tout à fait."
- "Sale petit morveux."


Enfin les insultes. En général elles signaient la fin de la logorrhée et ils allaient pouvoir faire preuve d'un minimum de discrétion. Son observation ne révéla rien car il était visiblement du mauvais côté, mais il se passait bien quelque chose et cette chose avait l'attention de toutes les silhouettes qu'il avait pu distinguer. Cependant le rocher était là et il avait promis, aussi s'avança-t-il d'un pas résolu vers le point de rendez-vous. Il était bien plus haut qu'il ne l'avait cru de loin, au moins quatre fois sa propre hauteur, avec la géniale idée d'être incliné de telle sorte qu'il fournissait une bande d'ombre presque accueillante. D'un revers de main l'enfant chassa les petits cailloux et la poussière pour se dégager un espace plat où s'asseoir, vérifia qu'aucune bestiole ne restait dissimulée dans quelque trou invisible, et grimpa sur la corniche étroite pour boire une gorgée à son aise. Il hésita à desserrer son turban pour profiter d'un mouvement d'air très agréable.

- "Jubbis ? Que fais-tu ?"


Le diablotin ne bougeait plus, figé comme en adoration devant le rocher. Mais cette immobilité n'était pas naturelle, et sa façon de rester bouche ouverte non plus. Soudain un craquement violent déchira l'atmosphère surchauffée et un nuage de poussière tourbillonnante s'abattit sur la petite créature qui se mit à couiner lamentablement. L'air vibrait et vrombissait en un espèce de cyclone miniature déchiré d'éclairs comme si un orage grondait au cœur de l'étrange manifestation. Le bruit était terrible, fait de modulations grotesques comme si des chœurs corrompus chantaient un hymne à la brutalité. Le diablotin lutta, jetant son énergie dans la bagarre pour tenter d'incendier cette poussière qui étouffait ses flammes.

- "L.L'orbe !! Prends l'oooorbe ! Viiiite !"

Mais Tsion'hebb était frappé de stupeur. Il n'en croyait pas ses yeux, n'arrivait pas à interpréter ce que ses sens percevaient. Il n'avait jamais vu d'élémentaire de poussière. Tout ce qu'il comprenait c'est que cette entité étrange s'en prenait à son démon. Et puis sa main se referma sur la boule d'ivoire, ou bien la boule glissa-t-elle d'elle-même dans sa main ? Toujours est-il qu'un grand calme l'envahit soudain, comme s'il plongeait dans un lac d'eau douce. Que pouvait-il faire sinon ce qui lui apparaissait avec une limpidité absolue : ouvrir une faille dans les dimensions pour que l'énergie du Néant jaillisse en un hideux bouillonnement pour ronger la substance de cette abomination.

Les mots lui vinrent avec une facilité déconcertante ! D'un jet il dirigeait l'énergie, la projetait de toutes ses forces, la concentrait, la propulsait dans un intense effort mental. La créature sembla se redresser puis chercher d'où venait l'agression subite. La bourrasque creusait le sol cuit et recuit, projetant des volées de cailloux tout autour en grondant sa colère et sa douleur. Mais au moment où elle repérait enfin son assaillant, un coup de trop ébranla l'essence de l'orage, le disloqua au plus intime et le souffla comme la flamme d'une bougie. Un tas de poussières inertes retomba dans le silence du désert.
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Message  Tsion'hebb Mar 2 Sep 2008 - 11:24

Chapitre XXV - Course au Troll


Le jeune démoniste s'effondra au pied du rocher. Il avait chaud, soif, mais restait pour l'heure abasourdi par ce qui venait de se passer et n'osait plus bouger. Son regard hébété parcourait la scène désormais vide. La vie reprenait ses droits et la poussière retombait lentement dans l'air surchauffé. Il ne subsistait quasiment rien de ce qui s'était passé sinon un sillon d'une main de profondeur là où la créature s'était déplacée, et le sol bouleversé à l'endroit où s'était tenu Jubbis quelques secondes auparavant.

L'enfant avait ressenti au fond de ses tripes l'essence du diablotin se déchirer sans rien pouvoir y faire et c'était comme si une part de sa propre âme avait été lacérée. Mais la nausée s'amenuisait tandis qu'il se forçait à respirer de façon régulière et seul son visage égratigné par la pierraille témoignait encore de la violence de la rencontre. Il se mit à trembler et pris conscience de la présence de la boule d'ivoire dans ses doigts crispés. Lentement il la sortit de sa poche.

Elle suintait d'ombre.

Des entrelacs de runes noires couraient, révélées par l'empreinte de sa main. Il s'obligea à desserrer son étreinte et constata que les écritures qui s'enroulaient autour de la surface polie s'effaçaient progressivement, comme une empreinte de pas dans le sable. Jubbis avait dit "l'orbe". Mais l'orbe de quoi ? de qui ? Et comment savait-il ?

Ecrasé de chaleur, l'enfant se recroquevilla un peu plus dans l'ombre du rocher qui s'amenuisait. L'orbe de nouveau en poche, il déroula le turban qui l'étouffait et l'étala, coincé entre deux pierres ainsi que la marcheuse lui avait indiqué. Mais il n'avait pas encore fini ce travail qu'il la vit courir vers lui et s'interrompit pour sauter au sol, récupérer son outre et venir à sa rencontre.

- "Oooh !!! Mais que s'est-il passé ?" s'inquiéta-t-elle en contemplant le visage égratigné où perlait ça et là d'infimes gouttes de sang.
- "J'ai... j'ai vu une bête."
- "Mais... c'était quoi ?"
- "J'en sais rien. Comme un tourbillon vivant."


Elle se mordit la lèvre puis lui prit délicatement le turban des mains pour essuyer la poussière sur les joues, les yeux et le front de l'enfant, puis le remettre en place avec des gestes habiles.

- "Un élémentaire de poussière..."
- "Faut pas t'en faire, ce n'est pas ta faute."
- "Tu étais sous ma protection. Mais... comment as-tu pu t'enfuir ?"
- "C'est Jubbis qui l'a... euh.. éventé."
- "Jubbis ? C'est qui ça ?"


Elle plongea un regard inquisiteur dans les yeux de ce gamin, partagée entre ses remerciements au Grand Lumineux de lui avoir permis de survivre, la culpabilité de l'avoir laissé en arrière et l'agaçement de l'entendre encore raconter quelque ineptie bien trop réelle dont elle pressentait que ça allait la déranger.

- "Mon diablotin !" répondit le gamin sur le ton de l'évidence.
- "Et... tu le sors d'où ?"
- "Bah du Néant ! Je connais son nom, c'est facile !"


Il affichait un sourire qui la désarmait d'innocence. Par le Grand Lumineux, ce gamin pouvait-il donc... faire ça ? Avec des gestes nerveux la pisteuse acheva de nouer le turban autour de la tête et du cou de jeune démoniste. Puis elle retira la jolie boucle de ceinturon qui brillait à sa ceinture et noua simplement la lanière de cuir pour tenir son pantalon. Puis elle le regarda et croisa son air désorienté. Alors elle céda à son envie de le serrer dans ses bras un court instant.

- "Ca va aller. Viens vite, suis-moi."
- "Tu ne veux pas le voir ? Il s'appelle Jubbis."
- "Oui je crois que j'ai bien compris. Une autre fois."


Elle l'entraîna dans une course rapide sans lui lâcher la main et quelques minutes plus tard ils se camouflaient non loin de la caravane. Elle s'apprêtait à reprendre la route mais Tsion'hebb remarqua que les conditions du voyage avaient changées. Les chameliers étaient remplacés par des guerriers trolls qui hâtaient les montures à l'écart de la piste sur un chemin connu d'eux seuls et les caravaniers, désormais réduits à l'état de piétons, suivant à côté. Ils ne tentaient pas de fuir. Comment auraient-ils pu ? Leur seule chance de survie consistait à rester près des réserves d'eau et donc à ne pas quitter ces Furies-de-Sables qui avaient pris le contrôle de la situation et les tenaient aussi captifs que s'ils avaient été pieds et poings liés.

Allongés entre les pierres, Tsion'hebb et Meharia ne perdaient rien de la scène. Ils se mirent à chuchoter :

- "Tu ne remarques rien ?"
- "Bah si... c'est des Trolls qui sont là."
- "Rien d'autre ?"
- "N.non..."
- "Il'madr n'est pas parmi eux. Et il n'est nulle part en vue."
- "Euuh... le chef ?"
- "Oui le chef. Il l'ont sans doute monté dans la litière avec les femmes. Ca veut dire qu'il est sans doute blessé ou incapable de marcher en tous cas. Tu as beaucoup d'eau ?"
s'enquit la pisteuse. "Montre moi."

Avec précaution le garçon lui fit passer son outre qui était encore plein à plus de moitié. Elle tâta la peau de chèvre et grogna.

- "Ils vont où tu crois ?"
- "Il y a un village là-bas, dans une faille. Ils vivent en troglodytes."
- "On va les suivre ?"
- "Pas le choix, mais on n'est pas obligés de se faire prendre. Avec un peu de chances ils vont simplement voler les marchandises et laisser repartir tout le monde avec assez d'eau pour rallier un puits."
- "Et... et si on n'a pas de chance ?"
- "Ils tueront tout le monde. Et si on n'a vraiment pas de chance du tout, on mourra aussi."


L'enfant ne trouva rien à ajouter, les yeux rougis de poussière et d'éblouissement. La pisteuse s'en voulait un peu de lui parler avec autant de rudesse mais les finasseries n'étaient pas son fort. Elle se contenta d'ébouriffer les cheveux sales dans un geste qui se voulait tendre. Devant eux la caravane disparaissait lentement par delà une ligne de crêtes.

- "On ne se laissera pas prendre. Mais il va falloir bien m'écouter, d'accord ?"
- "D.D'accord. Et... tu me rendras ma ceinture ?"
- "Ta ceinture ? Ah oui ! Non non, la boucle est bien trop brillante, je ne veux pas que tu la portes. Tu nous ferais repérer à des lieux. Allez viens, on va jusqu'à l'endroit où ils ont disparus. Marche bien dans mes pas et économise toi. Ce n'est pas grave si tu prends un peu de retard. Je ralentirai, mais je ne veux pas que tu marches sur la queue d'un serpent ou que tu mettes ton pied dans un nid de je-ne-sais quoi."
- "Tsion ? Je peux t'appeler Tsion petit prince ?"
- "O.oui oui."
- "On va s'en sortir mon grand."


Elle masqua un sourire confiant dans son turban, ne laissait qu'à peine entrevoir l'éclat de son regard perçant, puis s'élança, l'enfant sur ses talons.
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